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IRÈNE ET LES EUNUQUES

— Il esquive la responsabilité de la sédition. Marchons sans lui.

Énorme et monstrueuse, mêlée aux soldats blancs, aux femmes de joie, aux marchandes, la foule se presse. Ensemble les aveugles vont à la tête de la fureur publique. Empêtrés dans leurs robes, noués par leurs bras frémissants, avec leurs fronts hauts et leurs orbites caves, ils se hâtent dans le piétinement de la plèbe chantante, hurlante parmi les manteaux que le vent enfle et parmi les gestes qui s’exaspèrent, au son des pas innombrables.

— Allumez les torches.

— Prenez des maillets et des haches.

Demeurées seules, les nonnes contemplent l’icone à terre !

— Elles étaient bonnes à voir cependant, les saintes vierges brillant au coin des rues…

En pleurs Marie se relève sur les genoux, sur sa robe poussiéreuse :

— Ses traits gardent toute douceur, malgré le sacrilège…

— Elles étaient bonnes à voir…

Tendrement la grosse diaconesse ramasse l’image :

— Je relèverai ta face, ô Pureté ; et je t’emporterai secrètement dans ma cellule. Je rallumerai la lampe au bord du cadre.

— Vois… pleure la novice, qui se penche, amoureuse et dévote,… on a détaché les saphirs des yeux, les rubis du sang divin, les topazes de la couronne…