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IRÈNE ET LES EUNUQUES

toutes sortes, entre les riches étoffes déroulées depuis les fenêtres jusqu’aux feuillages qui jonchaient le sol. Gravement, les simandres aux longs échos exprimaient l’âme adorante de la cité qui, riche et voluptueuse, soufflait au ciel son haleine de plaisir, les fumées de ses festins, les chants des factions superbement vêtues et portant les images dorées de leurs saints, les hymnes de moines noirs innombrables. Férus de gratitude pour la mise en liberté de Théodore et de Platon, ceux-ci comblaient les rues aux maisons de couleur, aux maisons bleues, aux maisons roses. Ils se groupaient sous les auvents et autour des étals peints d’écarlate. Leurs crânes tondus luisaient au soleil par milliers. Irène savait qu’ils propageaient son esprit sur le monde, et que c’étaient là mille et mille organes de sa pensée créatrice. Les largesses coutumières traçaient derrière le char un sillage d’argent sur quoi la populace se ruait, s’étranglait, se terrassait, au nom du Iesous.

Le lendemain presque, elle tomba si gravement malade, que les nouvellistes allèrent par tous les quartiers, annonçant la fin prochaine. Longtemps elle resta les yeux fixes, les traits altérés. Une vision terrifiante et magnifique, semblait-il, la tenait attentive et prostrée. Cependant que Tarasios, Théodore et Platon imploraient le ciel dans les églises du Palais, Staurakios s’empara sournoisement du pouvoir. Plusieurs légions reçurent en secret des sportules. Comme Aétios ameutait sa clientèle contre cet émule hardi, tout de