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GOUVERNEMENT DANS LES ÉTATS PARTICULIERS.

Ce système renferme assurément en lui-même de grands avantages, mais il rencontre dans son exécution une difficulté pratique qu’il est nécessaire de signaler.

J’ai déjà fait remarquer que le tribunal administratif, qu’on nomme la cour des sessions, n’avait pas le droit d’inspecter les magistrats communaux ; elle ne peut, suivant un terme de droit, agir que lorsqu’elle est saisie. Or, c’est là le point délicat du système.

Les Américains de la Nouvelle-Angleterre n’ont point institué de ministère public près la cour des sessions[1] ; et l’on doit concevoir qu’il leur était difficile d’en établir un. S’ils s’étaient bornés à placer au chef-lieu de chaque comté un magistrat accusateur, et qu’ils ne lui eussent point donné d’agents dans les communes, pourquoi ce magistrat aurait-il été plus instruit de ce qui se passait dans le comté que les membres de la cour des sessions eux-mêmes ? Si on lui avait donné des agents dans chaque commune, on centralisait dans ses mains le plus redoutable des pouvoirs, celui d’administrer judiciairement. Les lois d’ailleurs sont filles des habitudes, et rien de semblable n’existait dans la législation anglaise.

Les Américains ont donc divisé le droit d’inspection et de plainte comme toutes les autres fonctions administratives.

Les membres du grand jury doivent, aux termes de la loi, avertir le tribunal, près duquel ils agissent, des délits de tous genres qui peuvent se commettre

  1. Je dis près la cour des sessions. Il y a un magistrat qui remplit près des tribunaux ordinaires quelques unes des fonctions du ministère public.