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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

dans leur comté[1]. Il y a certains grands délits administratifs que le ministère public ordinaire doit poursuivre d’office[2] ; le plus souvent, l’obligation de faire punir les délinquants est imposée à l’officier fiscal, chargé d’encaisser le produit de l’amende ; ainsi le trésorier de la commune est chargé de poursuivre la plupart des délits administratifs qui sont commis sous ses yeux.

Mais c’est surtout à l’intérêt particulier que la législation américaine en appelle[3] ; c’est là le grand principe que l’on retrouve sans cesse quand on étudie les lois des États-Unis.

Les législateurs américains ne montrent que peu de confiance dans l’honnêteté humaine ; mais ils supposent l’homme intelligent. Ils se reposent donc le plus souvent sur l’intérêt personnel pour l’exécution des lois.

Lorsqu’un individu est positivement et actuellement lésé par un délit administratif, l’on comprend en effet que l’intérêt personnel garantisse la plainte.

Mais il est facile de prévoir que s’il s’agit d’une prescription légale, qui, tout en étant utile à la société, n’est point d’une utilité actuellement sentie par un individu, chacun hésitera à se porter accusateur.

  1. Les grands jurés sont obligés, par exemple, d’avertir les cours du mauvais état des routes. Loi du Massachusetts, vol. 1, p. 308.
  2. Si, par exemple, le trésorier du comté ne fournit point ses comptes. Loi du Massachusetts, vol. 1, p. 406.
  3. Exemple entre mille : un particulier endommage sa voiture ou se blesse sur une route mal entretenue ; il a le droit de demander des dommages-intérêts devant la cour des sessions, à la commune ou au comté chargé de la route. Loi du Massachusetts, vol. 1, p. 309.