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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

On était passé du Loir-et-Cher dans l’Indre-et-Loire. C’est sur la rive gauche de la Loire, au pied d’un rocher que se dresse Amboise et son château.

M. Pascalet et ses deux « secrétaires » grimpèrent dans l’omnibus de la station. Le faubourg de la rive droite de la Loire, où se trouve la gare, fut bien vite traversé ainsi que les deux bras du fleuve séparés par l’île Saint-Jean : en face du dernier pont, se présenta, avec ses remparts, ses tours, couronnés par la végétation de ses hauts jardins, le château d’Amboise, retranché derrière quelques rangées de très anciennes maisons d’un étage ou deux.

Le vieux savant, un peu fatigué, demanda à ses compagnons un répit de quelques heures : aussi bien avait-il à mettre un peu d’ordre dans des informations recueillies sur la dernière invasion dans le département que l’on venait de quitter, où les pertes et dommages ont été évalués à plus de vingt-cinq millions. On sait que c’est dans le Loir-et-Cher qu’en décembre 1870 se produisit l’effort de l’armée de la Loire, commandée par Chanzy, pour arrêter la marche des armées prussiennes. Les combats de Josnes et de Villarceau précédèrent la savante retraite opérée par ce général.

M. Pascalet s’installa dans un café et se mit à dicter des notes à Modeste Vidal.

— Où est donc Jean ? demanda ce dernier au bout d’un moment.

Jean ? Il s’était esquivé pour aller aux renseignements… Il avait pris le chemin du château…

En arrivant à la porte, {ancre|p185}}il se trouva face à face avec un gardien, — un solide gaillard à la moustache grise, aux cheveux taillés en brosse. Au lieu de sa question habituelle, Jean salua et dit avec aplomb :

— Je voudrais parler à M. Vincent Isnardon.

— C’est moi, répondit le gardien.

— C’est vous ? s’écria le petit Parisien, tout saisi ; vous ? Vincent Isnardon ? sergent « bleu » dans les volontaires des Vosges ? Ce n’est pas possible !

— Mais si ! mais si ! Vous ne vous attendiez donc pas, mon garçon, à me trouver ici ?

— C’est que je vous cherche partout… depuis Orléans. Je suis le fils de Jacob Risler, qui était des vôtres au pont de Fontenoy, et qui a été tué dans un combat d’arrière-garde le lendemain.

Vincent Isnardon rappela ses souvenirs, et dit :

— Cela me revient, mon pauvre enfant… Ah ! tu es le fils de Risler ?

— Mais un autre Risler a été fusillé à Fontenoy comme traître…