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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

chez le paysan une modération très marquée. Peu soucieux de réformes, il ne désire que le maintien de son état et la tranquillité publique. Cette modération implique une satisfaction que l’aisance seule procure. « N’oubliez pas cependant, mes amis, dit M. Pascalet, que l’est du département appartient à la Sologne, pays pauvre, ingrat et stérile s’il en fut. Au sud des collines bien cultivées qui bordent la Loire, viennent aboutir ces plaines de la Sologne. C’est une campagne unie où les cours d’eau trouvent à peine les pentes nécessaires, à leur écoulement, et creusent de tous côtés des étangs et des marécages. Il y a des communes où l’on compte une centaine d’étangs. Presque point de terre végétale à la surface : sur un fond argileux recouvert de sable mêlé de gravier et de cailloux, les pluies de l’hiver séjournent et forment des eaux stagnantes que les chaleurs de l’été font évaporer rapidement ; de sorte qu’à l’extrême humidité succède l’extrême sécheresse. L’eau des étangs est de mauvaise qualité, l’air est insalubre ; et une population clairsemée, étiolée par la fièvre, conduit des bestiaux dans de maigres pâturages. Comme cultures possibles, le seigle et le sarrasin ; ce n’est pas sans peine qu’on y obtient l’orge et l’avoine ; le froment est une rare exception. Ce n’est que par le drainage des terres qu’on arrivera à les améliorer. Déjà les Solognots — comme je viens de l’apprendre tantôt — se sont courageusement mis à l’œuvre. Toutefois un dixième du département ne présente que landes et jachères.

» Romorantin sur la Sauldre, dont le nom rappelle un édit de tolérance religieuse du seizième siècle, est l’ancienne capitale de la Sologne. Romorantin vit par ses fabriques d’étoffes et ses filatures ; il est heureux que, pour le développement de son industrie, on ait enfin songé à relier cette ville au réseau des chemins de fer.

» Dans les villes, à Blois notamment, la population est d’une grande prévenance ; elle a beaucoup de douceur et de civilité, et se montre fort hospitalière ; les traditions du bien dire se sont conservées, même dans le peuple, à Blois aussi bien qu’à Vendôme dans le val du Loir, pays agréable et verdoyant. C’est du côté de Vendôme, au château de Couture, qu’est né le prince des poètes du seizième siècle, Ronsard. »

Tels sont les sujets d’entretien qui abrégèrent le retour.

De Blois à Amboise il y a 33 kilomètres. Cette distance fut promptement franchie, le lendemain, grâce au chemin de fer. M. Pascalet voulait connaître la situation nouvelle du vieux palais des seigneurs d’Amboise, restitué à la famille d’Orléans en 1872.