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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Ils avaient débouché sur un quai ; à peu de distance vis-à-vis, un autre quai lui faisait face. Des navires peu nombreux étaient amarrés contre ces deux quais. Du côté de la mer, se trouvait une passe resserrée entre le donjon massif de Saint-Nicolas et la tour de la Chaîne qui lui fait pendant, celle-ci reliée par une courtine à la tour de la Lanterne, qui disparaissait derrière les maisons, mais dont ils apercevaient la pyramide qui la termine. Immédiatement au delà, s’ouvrait l’avant-port, largement éclairé par la lune, avec quelques langues de terre, empiétant çà et là sur la grande mer.

— Et voilà notre yacht ! dit Alfred à Jean en lui montrant, près de la tour de la Chaîne, un petit navire de forme très élégante.

— Je l’avais deviné ! s’écria Jean radieux.

Les deux futurs beaux-frères et le petit Parisien longèrent le bassin. Entre les maisons et le quai de débarquement, une double rangée d’arbres formait promenade. Henry se rapprocha de l’eau pour passer en revue les navires grands et petits : les barques des maraîchers de l’île de Ré, les bateaux à vapeur qui font un service régulier entre cette île voisine et la Rochelle, des bateaux de pêche bretons apportant des cargaisons de sardines destinées à être converties en conserves alimentaires, un trois-mâts anglais en train de décharger de la houille, un brick espagnol porteur de minerai de fer.

— Tout le monde ne dort pas à bord du yacht, observa le « commandant » Henry.

À l’avant du joli navire, deux silhouettes se dessinèrent sur les eaux argentées. Le fourneau d’une pipe activée par des aspirations répétées, éclairait par des éclats intermittents la figure noire d’un chauffeur et le visage imberbe et blanc d’un jeune mousse.

— Mahurec ! cria Henry Esmond.

— C’est bien sûr notre commandant ! dit le mousse au chauffeur.

Celui-ci se laissa glisser le long du bord où se trouvait un canot minuscule. Le câble qui servait d’amarre au yacht lui permit, comme la corde d’un bac, d’arriver jusqu’au quai.

— Alors, vous avez assez du plancher des vaches, mon commandant, dit le chauffeur en ôtant son bonnet de laine. J’espère que vous allez bien, ainsi que Milord et…

— Oui, nous voilà tous de retour, mon garçon. Notre pilote ?

— Le père Vent-Debout s’est donné la permission de dix heures, répondit Mahurec ; mais les onze ont piqué depuis un bon moment.

— De quoi ? fit une voix passée depuis le matin au tafia.