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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Il y a des lacunes dans mon journal ; une page blanche pour Nantes, deux pour la mer intérieure du Morbihan ; je veux faire une rédaction soignée… Quiberon ! Je pars de Quiberon.

— Nous écoutons, miss, dit le capitaine Henry.

Miss Kate commença alors sa lecture :

— « À mesure que s’avance notre voyage, le petit Jean s’absorbe de plus en plus dans une seule pensée, celle qui lui tient tant au cœur : faire la lumière sur les derniers actes de son père, justifier son père d’odieuses accusations. Cet aimable enfant demeure réfléchi ; il en perd jusqu’au sourire.

— Mais quel rapport cela avec Quiberon ? exclama Henry.

— Vous l’auriez su : je ne vous le dirai pas. Quiberon, soit ! J’y arrive tout de suite. « Quiberon… C’est plutôt une île, sans aucune issue à marée haute ; les émigrés français en firent la cruelle expérience lors de leur débarquement en 1795 : serrés de près par les troupes républicaines ils durent se jeter à l’eau pour atteindre les canots de la flotte anglaise.

» À l’ouest de la presqu’île de Quiberon se trouvent les neuf îlots de Glénans et l’île de Groix. Notre pilote m’a raconté que du petit port d’Etel, situé en face de Groix, lorsque le moment de la pêche à la sardine est venu, on voit sortir toute la flotille des pêcheurs voguant au milieu du canal entre l’île et la côte, avec le clergé dans les premières barques qui bénit la mer.

» Lorient ; principale ville du Morbihan. C’est un grand port militaire à l’embouchure du Scorff et du Blavet ; le plus considérable de France pour la construction navale. J’ai lu que c’était à l’origine, — au dix-septième siècle — un lieu de débarquement pour les marchandises venant de l’Orient, de l’Inde et de la Chine, et qui appartenait à la célèbre Compagnie des Indes. À la suite de mauvaises affaires elle dut céder son port à l’État. Nous y avons passé la nuit du 22 août, sans quitter le yacht.

— Mais je le sais bien, ma chère Kate, ne put s’empêcher de dire miss Julia.

— Vous le savez, ma sœur ! tout le monde ne le sait pas, riposta miss Kate. Ceci est un journal… « Nous voilà en face du littoral du Finistère. Les régions de la côte donnent des légumes et des fruits qui s’exportent jusqu’en Angleterre, d’où leur nom de Ceinture dorée : leur renommée n’en souffre pas, au contraire. L’élevage des chevaux et des bœufs est la principale richesse du Finistère.

— Cela est vrai, miss, mais qui vous l’a appris ? demanda Henry assez intrigué.

— Mon père. Vous savez qu’il connaît la Bretagne pour l’avoir parcourue