Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

autrefois de Tréguier à Vannes. Tenez, c’est d’après lui que j’ai écrit les lignes suivantes ; voyez si elles vous semblent justes :

« Peu de spectacles laissent une plus profonde impression que celui des houles de tempête qui, du large de l’Atlantique, viennent se briser contre les puissants remparts de granit qui bordent le Finistère. Au-dessus des roches baignées par les vapeurs de la mer et l’embrun des vagues pèse un ciel bas et terne. La mer qui a découpé tant de péninsules le long du littoral et creusé tant de baies, couvre de son flux les sables des plages, roule sur les grèves noires des cailloux et les ramène avec des bruits plaintifs et monotones qui affectent l’âme et la remplissent de tristesse.

» Quand reviennent les jours d’apaisement, il reste de ce trouble douloureux une mélancolie que ne dissipent pas entièrement les paysages plus riants de l’intérieur, les landes rougies par la floraison des bruyères, ou dorées par les fleurs de genêts, les chemins sinueux entre les haies vertes, les ruisseaux tranquilles s’échappant des mares à demi cachées sous la végétation, les vieux murs revêtus de lierre, les rangées de pierres grises plantées en bordure le long des terres. Et comme pour donner leur véritable caractère à tous les sites, ces pierres levées, ces pierres alignées que l’on rencontre à tout bout de champ, isolées ou groupées, et qui sont les véritables monuments du pays breton : le paysan passe devant elles en se signant dévotement, soit par peur du mauvais esprit, soit par respect pour le saint, substitué dans la légende chrétienne à quelque héros celte dont les hauts faits sont tombés dans l’oubli…

» Parmi ces pierres énormes, les menhirs ou peulvans, monolithes de forme allongée, sont plantés verticalement dans la terre et s’élèvent de plusieurs mètres au-dessus du sol — on en voit un à Lokmariaker, dans le Morbihan, qui dépasse vingt mètres ; sur le plateau désert de Lanvaux, de vastes espaces sont couverts de menhirs renversés, semblables aux colonnes massives d’un vaste temple. Les cromlechs ou enceintes druidiques, sont composés de menhirs rangés en cercle, en demi-cercle, en ovale ou en carré long : un menhir plus élevé que les autres en occupe ordinairement le centre. Quant aux dolmens, ce sont des autels de sacrifices composés d’une large pierre posée sur plusieurs autres. Il y a enfin des Allées couvertes formées de deux lignes parallèles de pierres brutes recouvertes d’autres pierres. Telle est la Roche aux fées d’Essé (Ille-et-Vilaine) qui a dix-neuf mètres de profondeur ; on en voit aussi à Plucadeuc dans le Morbihan, à Janzé (Ille-et-Vilaine), à Ville-Génoin (Côtes-du-Nord). Belle-Île et Groix sont aussi parsemées de mégalithes.