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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/32

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

placé à l’orifice de la cheminée, qu’on avait cru seulement à trente centimètres du niveau du ballast, ne se trouvait point à l’endroit indiqué.

Ce fut un moment d’une angoisse terrible. Tant d’efforts avaient-ils été accomplis en vain ! Tant d’existences avaient-elles été inutilement sacrifiées !

Enfin la pioche résonne sur du bois ? Le tampon se trouvait à une profondeur de plus du double…

Les travailleurs mirent à jour l’orifice de la cheminée et commencèrent à charger le fourneau.

On procédait activement à cette besogne lorsqu’on entendit arriver avec des sifflements qui déchiraient l’air, un train venant de Toul. Il s’avança jusqu’à l’extrémité du pont…

Quel nouveau danger surgissait ? Des troupes de secours étaient-elles envoyées pour la défense de la station ? Mais comme, çà et là, dans le village, des coups de feu étaient tirés, le train ralentit sa marche, puis rétrograda à toute vapeur. On sut depuis que c’était un train de blessés : les Prussiens avaient l’habitude de faire ainsi voyager leurs blessés pendant la nuit, bien aises, dans leur orgueil, de dissimuler leurs énormes pertes aux populations envahies. Ils évitaient aussi d’affliger la vue des hommes de la landwehr par le décourageant tableau des réalités de la guerre.

Ce ne fut point là le dernier incident dramatique de cette nuit si remplie.

Le chargement de la mine touchait à sa fin quand une catastrophe faillit se produire. En voulant prendre la lanterne sur le rebord du fourneau, l’un des travailleurs laissa échapper la chandelle, qui roula tout allumée dans le trou, à quelques centimètres des sacs de poudre déjà mis en place !

Plus de cent hommes se trouvaient en ce moment sur le pont.

Ils furent sauvés par l’admirable présence d’esprit et l’adresse de l’un des agens des ponts et chaussées, M. T***. Sans hésiter une seconde, cet homme courageux se courba, disparut à moitié dans la cavité béante d’où instantanément la mort pouvait jaillir, et il parvint à ressaisir la chandelle… sans perdre l’équilibre et sans glisser.

Enfin la mine était chargée. Six mèches anglaises furent ajustées à la mine.

— Quelque chose pour boucher le trou ! cria l’un des travailleurs.

En ce moment Jacob Risler arrivait au pont. Il avançait machinalement, absorbé, anéanti, traînant le corps de son cousin sans plus avoir conscience de ce qu’il faisait. Il fut ramené à lui et comme réveillé brusquement par cette demande. Autour de lui, on cherchait « quelque chose ».