Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/357

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
349
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

les tours croulantes rongées de lierre, peut-être même quelque antique muraille romaine. Au-dessus de tout cela les pigeons développent leurs vols circulaires, et viennent s’abattre en troupes le long des gouttières.

Aux générations anciennes ont succédé un peuple nouveau : de curieuses têtes de jeunes filles oisives, se penchent au-dessus des balcons, ou au milieu de la verdure et des fleurs des fenêtres ; sur le seuil des maisons où l’on travaille, le plus léger vent soulève les longs fils blancs flottant sur les genoux des dentellières, et secouent les barbes de leurs bonnets.

Il préférait par-dessus tout grimper sur les hautes collines qui enclosent la ville et la plaine pour juger de là de l’aspect général de Caen.

L’admirable flèche de Saint-Pierre avec ses dentelures et ses trèfles à jour, la tour de Saint-Sauveur et de Saint-Nicolas ; les deux flèches de Saint-Étienne ; la tour de Saint-Jean, la masse du vieux château, privé de son donjon et de ses créneaux, le chemin de fer, le canal de Caen à la mer, le cours de l’Orne où les voiles des navires apparaissaient dans la campagne au milieu de la verdure des arbres ; la forêt de Cinglais, dans le lointain, et les horizons bleus du Bocage normand, tel est le tableau et les perspectives de la cité principale du Calvados et de la Basse-Normandie.

Ce fut d’une oreille distraite que le petit Parisien entendit aussi tout ce que Maurice et le baron, pendant les repas, lui apprirent sur leur département. À les en croire le Calvados était le département où il y a le plus d’aveugles, le plus de fous, le plus de vieillards, le plus de vieilles filles, le plus de veuves qui ne se remarient pas. Le Calvados occupait aussi le premier rang pour la longévité relative en France, la durée moyenne de la vie y étant de près de quarante-six ans.

Par contre, nul accroissement dans la population, bien que ce soit un pays de culture et un de ceux où l’industrie agricole s’est le plus rapidement perfectionnée.

L’industrie proprement dite ne chômait pas non plus, comme en témoignaient les filatures et tissages de coton de Condé-sur-Noireau, de Clécy et d’Orbec ; les filatures de lin, dont la plus importante est celle d’Orival, à Lisieux ; la fabrication des draps fins de Lisieux, des molletons, des flanelles, des couvertures dites « thibaudes » ; les blondes et dentelles de Bayeux et de Caen ; les diverses papeteries, bonneteries, huileries, tanneries répandues un peu partout. Enfin d’importantes stations de pêche étaient établies sur le littoral à Grand-Camp, à Arromanches, à Asnelles, à Bernières, à Saint-Aubin, à Langrune, à Luc, à Villerville-Trouville ; Courseulles à l’embouchure de la