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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Seulles, et Ouistreham à l’embouchure de l’Orne, possédaient de riches parcs d’huîtres.

Un fromage faisait-il son apparition au dessert ? C’était un camembert ou un livarot, ou un mignot, présenté avec orgueil comme un produit du terroir. Puis, venait le tour du cidre. On vantait celui du pays d’Auge et celui du Bessin. Jean pensait à son enthousiaste instituteur primaire rencontré en wagon, et donnait à entendre qu’il savait… qu’il savait un peu… Et même il plaçait un mot montrant qu’en effet la Normandie commençait à lui être passablement connue.

Selon sa promesse, madame du Vergier était partie pour le Bec-Hellouin, le lendemain de l’arrivée de Jean, et elle était revenue dans la même journée, rapportant de bonnes nouvelles du blessé ; il devait dans deux jours partir pour Rouen, et la baronne l’avait généreusement mis en état de faire le voyage dans de bonnes conditions. Femme active, remuante même, c’est-à dire redoutant le repos, la baronne avait hâte maintenant de voir Jean prendre le chemin de Paris, — non pas que le jeune garçon fût de trop dans sa maison : elle l’aimait beaucoup ; mais elle le voulait auprès de son oncle et non par monts et par vaux.

Un autre motif intéressé, mais des plus honorables, activait encore cette vivacité naturelle de la baronne, qu’elle encourageait et excitait chez les autres : on parlait beaucoup de l’Exposition universelle de Paris, qui allait s’ouvrir dans quelques mois ; elle avait l’espoir qu’à ce rendez-vous de tant de gens, la petite Emmeline serait conduite par l’odieuse femme qui exploitait son inexpérience, et que Jean, dans ses flâneries la découvrirait peut-être, comme au Havre, sur des tréteaux de funambules. Elle entretenait Jean de ses idées, se recommandait à lui, et lui faisait prendre l’engagement de ne pas oublier un moment cette douleur de mère éplorée qui remplissait sa vie tout entière.

Jean promit — et partit, bien affligé de rentrer à Paris sans avoir réussi à rien. Toute la famille le conduisit au chemin de fer. La baronne l’assura qu’après son fils — et sa fille ! — il était l’enfant qu’elle aimait le plus au monde. Le baron promit de poursuivre les démarches relatives au vol commis par Hans Meister, démarches restées sans résultat. Maurice s’engagea à tenir son jeune ami au courant de ses tentatives auprès du barbare père de miss Kate, et le baiser d’adieu fut donné.

C’était par une belle matinée de septembre. Madame du Vergier avait mis Jean en deuxième classe, dans un train direct partant de Caen à 8 heures 53.