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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

pentiers, calfats, blindeurs, peintres, cordiers se distribuaient la coque, le pont, la mâture.

C’est toujours un beau spectacle que celui de l’activité humaine, et Jean, impressionné par ce tableau d’une ville maritime où converge le travail de tant de gens dans les deux mondes, se surprit honteux de son désœuvrement, bien qu’il n’eût quitté que depuis peu de jours la librairie du quai des Grands-Augustins. Il se rendit en toute hâte, et comme pour ne plus rien voir, à l’endroit où il devait rencontrer Jacob Risler, redevenu « l’oncle » Jacob.

Lorsqu’ils s’étaient séparés la veille, Jacob Risler, toutes réflexions faites, avait « défendu » à Jean de se montrer à madame Cydalise avant le mariage.

— Mais si je dois être garçon d’honneur ? avait objecté Jean.

— Eh bien ! ce n’est pas une difficulté ça ; on en trouvera un autre de garçon d’honneur !

— Ah ! parfaitement !

— Tu vas me comprendre, avait dit Risler se reprenant. Je ne me dédis pas de ce que j’ai promis. Mais je ne veux pas que madame Cydalise prenne peur et se sauve avec la petite. Sais-tu comment elle l’appelle cette petite ?

— Comment le saurais-je ?

— Tu savais tout, tantôt ! Eh bien, à moi, lorsque nous rions honnêtement, elle la désigne ainsi : ma dot. C’est sa dot ! Et de fait, elle dit vrai, car sans la gentillesse de cette enfant et le relief qu’elle donne à la troupe, jamais je n’aurais épousé sa mère, ou soi-disant telle ; malgré que celle-ci possède de son côté quelques économies. — Mais ce n’est pas le moment de causer, avait ajouté Jacob Risler, rompant l’entretien. Trouve-toi demain au pied de la tour du Leughenaer, j’y serai, — et il fera jour.

Jean se rendait donc à l’entrée du chenal où se trouve la tour du Leughenaer qui éclaire cette entrée d’un feu fixe de quatrième ordre, établi à son sommet, et qui porte en outre deux cadrans illuminés la nuit. Cette tour, située à l’est du port, domine des constructions du siècle dernier où sont installés les services de la douane, la chambre de commerce, le bureau central d’octroi.

En approchant de la tour, Jean aperçut Jacob, — et il faisait jour comme avait dit « l’oncle » — et Jean allait pouvoir étudier sur la physionomie du promis de madame Cydalise quelle dose de sincérité comportaient ses paroles.

— Eh bien ! te voilà, grand gamin ! Sapré vaurien ! commença par dire Jacob Risler sur un ton jovial. Tu me fais croquer le marmot, tandis que tu flânes