quement sur son genou l’épais gourdin qu’il tenait, comme pour se délivrer de la tentation de s’en servir.
Il en jeta les deux morceaux au loin, et reprit avec force :
— J’entends que tu me dises le nom de ces braves gens ! Je sais déjà que la mère est baronne et que l’on demeure à Caen. Madame Cydalise me l’a confié. Pour connaître le nom je n’aurai qu’à m’adresser à la police qui a fait chercher la fillette il y a trois ans, — la police et la gendarmerie ; mais ça me gêne la gendarmerie ; je ne tiens pas à la mettre dans mon jeu. Enfin, s’il le faut, en m’y prenant adroitement, j’arriverai tout de même à mes fins. Je n’ai vraiment qu’à aller moi-même à Caen, ou y envoyer quelqu’un de sûr : tout le monde doit y connaître l’histoire de l’enfant volé. Te voilà maté, hein ? Et par l’oncle Jacob encore !
Jean semblait atterré.
— Pourquoi voulez-vous vous débarrasser de Cydalise ? dit-il avec des sanglots dans la voix.
— Pourquoi ? répéta Risler qui observait le jeune garçon et étudiait l’altération de ses traits.
— Je n’ai pas voulu apprendre à la baronne que sa fille était avec vous. J’ai pourtant bien combattu avant de me décider à ne rien révéler !
Risler prit un air bonasse. Il craignait d’en avoir trop dit et de donner à Jean la tentation de faire échouer ses fructueuses combinaisons, en avertissant les parents de la jeune fille.
— C’est que vois-tu, mon Jean, fit-il avec une bonhomie bien jouée, c’est embarrassant une fille quand elle est grande. Maintenant ce n’est rien. Mais vois-la en âge d’être mariée ! Est-ce que c’est moi, qui ne suis pas son père, qui peux m’occuper de lui trouver un mari, un brave garçon… Mets-toi à ma place ? C’est une responsabilité ça… lourde… lourde… très lourde.
— Écoutez, mon oncle, ne précipitez rien, dit Jean. Et il avait un air suppliant. Laissez aller les choses…
— Du reste, reprit le madré Jacob, j’ai aussi d’autres projets. Notre directeur, le bonhomme Sartorius, se fait vraiment trop vieux ; je lui ferai une pension et il ira chauffer ses douleurs au soleil, quelque part. Je donnerai de l’agrandissement à la baraque ; j’en veux faire un véritable théâtre à l’instar de ceux de Paris ; on y jouera Geneviève de Brabant avec le traître Golo ; je vois tout ça en idée, bien que je ne sois qu’un paysan du Niderhoff, un sabotier… Il me faudra des acteurs, un machiniste, un souffleur, — je veux un