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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

souffleur d’abord, — des violons à l’orchestre… Il pourrait bien y avoir place pour toi…

— Je ne dis pas non, mon oncle.

— Il me faudra des décors. As-tu quelques dispositions pour la peinture ? pour la musique ?

— Peut-être bien mon oncle.

— As-tu de la mémoire ? Acteur, cela s’apprend…

— Je pourrais tenter la chose, mon oncle.

— Et je me dis que Cydalise devenue une grande et belle fille, ayant grandi et embelli en même temps que mon théâtre, j’aurais vraiment peu de chance si je ne lui trouvais pas autour de moi, dans ma troupe même, un bon mari qui m’aiderait à soutenir la prospérité de l’établissement.

— Oh ! certainement, mon oncle ! fit Jean.

Le pauvre garçon tomba si bien dans le piège grossier qui lui était tendu, que Jacob Risler se mit à rire bruyamment, d’un rire grossier : il lui riait au nez, sans plus se gêner.

Jean l’observait, ne voulant pas croire toutefois qu’il était joué.

— Vois-tu, je m’en réjouis déjà, dit Risler. C’est très gai de réussir !… Et puis l’idée de me voir une nouvelle famille, de te savoir auprès de moi, ça m’épanouit d’aise. Tu ne sais pas combien je suis content de t’avoir retrouvé !

— Vraiment ?

— Oui, et tu vas quitter Dunkerque… pour que je n’aie pas à me repentir du bon accueil que je t’ai fait.

— Vous voulez que je m’en aille ? Où cela ?

— Où tu voudras… jusqu’après la noce : c’est plus sûr pour madame Cydalise.

Jean, de trop bonne composition maintenant qu’il ne s’appartenait plus, se rappela la promesse faite par lui à Vent-Debout.

— J’ai une invitation pour Calais, dit-il.

— Pour Calais ! C’est à merveille, puisque notre troupe s’y rend en quittant Dunkerque : tu pourrais aller nous y attendre ? Tu vas donc partir. Lorsque tu me retrouveras, je serais marié et un peu le papa de cette petite fée de Cydalise qui t’a ensorcelé, je le devine. Pars… et tu verras que je suis un bon oncle. Est-ce dit ?

— C’est dit, mon oncle, repartit Jean ; je quitterai Dunkerque aujourd’hui même.