Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/456

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
448
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

gées, démantelées et parfois incendiées. On sait comment les villes de la Somme cédées par Louis XI à Charles-le-Téméraire, moyennant deux cent mille écus d’or, avec faculté de rachat, furent reprises par le rusé souverain, grâce à l’intrigue ou à la force. D’horribles dévastations, notamment l’incendie et le pillage de la ville de Nesles, marquèrent les représailles exercées par le duc de Bourgogne. Une partie des habitants de Nesles s’étaient réfugiés dans l’église Notre-Dame ; la soldatesque les y suivit, et alors eut lieu une affreuse tuerie qui joncha de cadavres les dalles de l’église. On montra à Jean cette église Notre-Dame. Nesles a été la ville principale d’un marquisat considéré comme le premier, le plus beau et le plus ancien de France ; dix-huit cents fiefs en dépendaient.

Libre de ses mouvements, Jean put s’intéresser à ce que chaque ville, chaque château, chaque localité renfermait de particulièrement remarquable.

À Amiens, — la merveilleuse cathédrale, la plus grande de France, regardée comme le plus parfait modèle de l’architecture ogivale tant par sa façade, ses deux tours quadrangulaires, ses trois porches, sa rosace, ses nombreuses statues, que par la hauteur de sa nef. À en croire un dicton populaire, la nef d’Amiens, le chœur de Beauvais, le portail de Reims et la flèche de Chartres formeraient par leur réunion une cathédrale incomparablement belle.

À Péronne, — les fortifications et leurs fossés remplis d’eau, ainsi que ce qui reste de l’ancien château : la tour où Charles-le-Simple mourut de faim au fond d’un cachot, et où fut retenu prisonnier Louis XI, pris au piège par Charles-le-Téméraire.

À Doullens, — la citadelle, prison d’État.

Puis, la formidable tour ronde du château de Ham, aux épaisses murailles ; le beffroi de Saint-Riquier, ville qui eut cent tours dont il reste à peine quelques vestiges, mais qui possède intacte une charmante église gothique du quinzième siècle, — le plus bel édifice du département après la cathédrale d’Amiens ; la tour du château de Folleville, haute de cent pieds et que l’on aperçoit de loin comme un phare ; les vieux remparts de Montdidier, capitale du Santerre, où naquit Parmentier, qui mit un zèle si tenace à introduire la pomme de terre en France ; les grands et beaux arbres de la forêt de Crécy, aux environs de laquelle Philippe VI, poursuivant le roi d’Angleterre Édouard III, l’attaqua dans de si mauvaises conditions qu’il fut défait et perdit trente mille hommes et l’élite de sa noblesse ; les portes flanquées de tours énormes qui sont tout ce qui reste du fameux château de Picquigny ; les curieuses pétrifications du souterrain de la ville industrielle d’Albert, — an-