Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/471

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
463
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

réchauffés devant un bon feu, Modeste Vidal commanda qu’on lui apportât une carte…

— Du menu ?

— Mais non ! ! de la bataille… une grande carte.

On la leur procura. Alors, avides, sous la lampe, ils se penchèrent sur la carte dépliée sur une table.

L’ami de Jean, suivant de son doigt un tracé circulaire, lui montra les endroits, désormais célèbres, arrosés du sang des armées des deux plus fortes nations militaires du monde : au sud les hauteurs de Remilly, longeant la rive gauche de la Meuse en face de Bazeilles et où les Bavarois avaient établi leur artillerie, Bazeilles, la Moncelle, le bois Chevalier et Daigny, Givonne, le fond de Givonne et la route de Liège, Illy et son Calvaire, Fleigneux, et, en passant du nord à l’ouest pour redescendre, Saint-Menges, Floing, la boucle de la Meuse formant la presqu’île d’Iges, où furent retenus nos soldats prisonniers, Donchéry, Frénois, le bois de la Marfé, — avec Sedan au centre de ce vaste cercle, que coupe la Meuse de son cours sinueux, suivi parallèlement sur plusieurs kilomètres par le chemin de fer.

— Demain, dit Modeste Vidal, nous irons à Bazeilles ; c’est là qu’on s’est battu le plus longtemps, et peut-être qu’on s’est le mieux battu. Les Bavarois savent ce que leur a coûté la possession de cette bourgade ; les ruines qui subsistent encore marquent assez l’exaspération d’une soldatesque si rudement maltraitée que, dans sa fureur, elle s’en prend à tout : aux maisons qu’elle brûle, aux habitants qu’elle fusille — après le combat.

Le temps demeurait mauvais, froid et pluvieux, mais cela ne les arrêta pas le lendemain.

En sortant de Sedan par la route de Montmédy, ils se trouvèrent tout de suite à Balan, village de 1,500 habitants qui est une sorte de faubourg de la place forte. À droite et à gauche de la route, ils voyaient de modestes croix de bois, surmontées pour la plupart de petits drapeaux tricolores. Ces croix marquent l’emplacement des fosses creusées pour les vaillants morts de la journée de Sedan. Devant les premières ils se découvrirent avec émotion ; puis, ils se familiarisèrent avec le spectacle de ces tombes qui perpétuent pendant quelques années le souvenir des sanglantes batailles, faisant de l’histoire avec des croix de bois.

Il pleuvait très fort au moment où ils pénétrèrent dans Bazeilles, gros bourg formé jadis de coquettes maisons de brique et qui eut tant à souffrir des horreurs de la guerre de 1870 ! Dans les rues, ils virent encore bien des mai-