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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

sons en ruine, bien des pans de murs noirs encore du feu qui les avait calcinés : il semblait que la pluie qui les lavait achevât de les éteindre. Ces pierres et ces briques brûlées au pétrole, témoignaient de l’exécution impitoyable d’un code de la guerre dont la rédaction est moderne, nouvelle si l’on veut, et, par surcroît germanique, mais que de tout temps les nations barbares connurent et appliquèrent.

Dans cette malheureuse bourgade, près de quarante personnes, et parmi elles des vieillards, des femmes et des enfants périrent massacrés au milieu du combat, asphyxiées dans les incendies allumés par les obus, ou fusillées le lendemain de la grande bataille. Ce n’est pas tout. Le pétrole vint activer l’incendie commencé le 31 août et continué le 1er septembre : trois cent soixante-trois maisons furent livrées aux flammes ; la plupart ont été rebâties ; un assez grand nombre, édifiées sur un plateau uniforme, ont été reconstruites avec des ressources fournies par la Souscription nationale du « Sou aux chaumières ».

À l’entrée du village, la première maison à gauche, qui est l’estaminet Bourgerie, a pris cette enseigne : « À la dernière cartouche ». Elle porte des traces encore bien visibles de la lutte. On a ouvert au rez-de-chaussée de cette maison un« musée» composé de débris d’armes ramassés sur le champ de bataille : sabres rougis et ébréchés, casques troués, gibernes et ceinturons appartenant à cent uniformes divers.

Ils visitèrent pieusement ces panoplies, ne manquant pas en sortant de déposer leur offrande dans un tronc placé là. Au premier étage, le « musée » s’agrandit d’une chambre, une simple chambre de paysans ; mais c’est celle où le peintre Alphonse de Neuville a placé la scène des « Dernières cartouches ». Les murs effrités de balles, le bahut près de la fenêtre que l’on connaît, l’alcove où agonise un soldat dans le célèbre tableau, ont été, depuis 1870, laissés par les propriétaires dans l’état où ils se trouvaient.

De cette maison, à la place principale, il n’y a pas loin : ils s’y rendirent pour y voir le monument élevé pour honorer la mémoire des vaillants Français tués dans les journées du 31 août et du 1er septembre. C’est un large piédestal, décoré de quatre frontons, avec couronnes d’immortelles et branches de chêne et de laurier. Au-dessus, se dresse une pyramide sur laquelle se détachent un bouclier et une palme. Outre les inscriptions qui dédient ce modeste monument aux défenseurs de notre sol, ils purent lire sur l’une des faces latérales les noms glorieux des cinq officiers supérieurs, des huit capitaines, et dix-neuf lieutenants et sous-lieutenants de l’infanterie de marine,