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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/478

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

pour continuer la résistance, se retira avec une centaine d’hommes ralliés sur son chemin, dans une maison isolée située au point culminant de Bazeilles. Il avait avec lui les capitaines Aubert, Bourgey, Picard, Delaury et les lieutenants Escoubé et Saint-Félix. Grâce surtout à l’activité du capitaine Aubert, la maison fut rapidement mise en état de défense ; ce brave officier, prenant un fusil, se plaça ensuite à l’une des fenêtres, et exerça aux dépens des Bavarois, sa merveilleuse adresse.

Malgré les pertes considérables qu’il éprouvait, l’ennemi avançait toujours, enveloppant cette maison. Au bout de deux heures, ce refuge fut complètement cerné par le 15e régiment bavarois. La maison se trouvait dans le plus piteux état ; les portes étaient percées à jour, les fenêtres brisées, la moitié de la toiture enlevée par un obus qui avait blessé plusieurs hommes. Mais la lutte continuait toujours avec acharnement. Elle ne cessa qu’avec les munitions. Cette poignée de braves durent alors songer à se rendre — si c’était possible — car leurs ennemis exaspérés par les pertes subies, poussaient des cris de mort qui ne permettaient d’attendre aucun quartier.

» Les soldats ne s’y trompaient point : décidés à vendre chèrement leurs vies, ils voulaient sortir à la baïonnette. Le commandant Lambert les arrêta en leur disant qu’il allait se montrer le premier : ils devraient régler leur conduite sur la façon dont il serait accueilli. Au moment où le commandant franchit la porte, il eut sur la poitrine vingt baïonnettes, et il eut été massacré si un capitaine bavarois ne se fut précipité courageusement pour lui faire un rempart de son corps, au risque d’être lui-même tué par ses propres soldats, tellement aveuglés par la colère qu’ils se trouvaient hors d’état de rien entendre. Ce fut certainement à l’intervention de ce loyal ennemi que le commandant, ses officiers et les soldats survivants durent la vie.

» Dans une autre maison, l’intrépide capitaine Bourchet faisait une défense non moins héroïque, non moins désespérée. Dans une autre maison, encore, le lieutenant Vatrin du 4e régiment, soutenait l’assaut furieux d’une soldatesque irritée à l’excès de la résistance qui lui était opposée. Quand il n’eut plus une seule cartouche il se décida à se rendre, avec le sous-lieutenant Chevalier et seize hommes. Mais ces braves soldats ne rencontrèrent aucune générosité. On les fusilla comme des malfaiteurs.

» Cette exécution fut connue par un sapeur qui, mis en rang avec ses camarades pour être passé par les armes, eut la chance de ne pas être atteint, et revint en rampant vers les nôtres… qui tirèrent d’abord sur lui : il en réchappa encore !