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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

houille : Jean les escalada après lui. L’Allemand s’arrêta : Jean s’arrêta aussi ; à droite, à gauche s’ouvraient des galeries au bout desquelles scintillaient les lampes des travailleurs, et où retentissaient les coups réguliers des pics et des écrasements de blocs abattus.

L’Allemand devait être aux écoutes ; s’il louchait, il avait en revanche l’oreille fine. Avec précaution il se glissa au plus noir du cheminement souterrain ; les tailles tantôt droites, tantôt faisant des coudes, montaient ou descendaient, se perdaient comme en un labyrinthe. Il n’était pas aisé de le suivre dans sa fuite, sous une température lourde, dans une atmosphère humide qu’envahissaient par places des bouffées d’air glacial refoulées par les pompes.

— Ah ! le misérable ! murmura Jean découragé et haletant ; il va m’échapper !

Si encore Jean avait pu revenir sur ses pas, retrouver Quentin et le commis, attendre Hans Meister au puits de sortie ! mais il lui était moins difficile encore de continuer sa poursuite. À son tour, il avança avec précaution, espérant n’être pas entendu. Abandonnant ses chaussures, il se mit à suivre des mains les parois inégales de la galerie, se heurtant, se blessant presque aux poutrelles saillantes des « toitures ». Après quelques secondes, il s’arrêtait pour écouter ; ou encore il écoutait parce qu’il n’entendait plus rien… plus rien que les gouttelettes filtrant à travers la roche noire et s’écrasant avec un léger bruit sur le sol…

Puis, tout d’un coup, la marche du fuyard reprit mieux marquée, comme s’il renonçait à la dissimuler. Bien plus ! il semblait se rapprocher. Pour le coup Jean eut peur. Il se rappela le Hans Meister de la forêt du Falgoux et du bois du Mont-Mal. Retenant le souffle, il se blottit dans une excavation, et un instant après, l’Allemand passa près de lui, les bras écartés, le frôlant, — le cherchant sans doute dans l’ombre, pour lui faire un mauvais parti, se débarrasser de lui, dans cet endroit si bien fait pour les meurtres ignorés.

Jean ne se trompait pas : telle était bien la résolution exaspérée du détestable compère de Jacob : le sanglier faisait face au chasseur et courait sur lui.

N’ayant pas rencontré « le chasseur », Hans s’arrêta, et tirant de sa poche un briquet, il se mit à le battre. Jean voyait les étincelles s’échapper du silex. Très effrayé, il profita du bruit que faisait le batteur de briquet pour s’éloigner. De loin, il le vit revenir sur ses pas vers l’endroit où il pensait que