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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

pont, sans toutefois pouvoir arrêter des forces très supérieures. Les Vendéens s’avancèrent en vainqueurs vers la ville ; mais quelques jours après Marceau et Westermann arrivèrent, et une terrible bataille s’engagea. Les rues mêmes du Mans furent ensanglantées. Les restes de l’armée vendéenne rejetés vers l’ouest demeurèrent réduits à l’inaction. — Une autre bataille, désastreuse pour nos armes, fut perdue devant le Mans, le 11 janvier 1871 par le général Chanzy, qui avait fait de cette ville le centre de ses opérations.

Mais où sont passés Jean et Méloir ? Sans être doué d’une profonde perspicacité, on devine bien qu’ils se trouvent attablés dans la plus proche auberge de la gare. En effet, ils ne perdent point de vue la brochette de poulets qui tourne devant un feu clair, au fond de la salle basse, et ils ont jeté leur dévolu sur le plus gros, tout en se partageant une énorme omelette au lard. Un pot de cidre les sépare, ou pour mieux dire leur sert de trait d’union ; car un verre ne s’emplit ni ne se vide sans l’autre ; et l’on touche chaque fois avec des politesses, et en faisant des souhaits pour que le trop entreprenant Flohic, l’amoureux battu et peut-être non corrigé, soit guéri de ses blessures, pour que le père Yvon Troadec renonce à intervenir avec si peu d’impartialité, et que Vivette n’hésite pas une minute de plus à se déclarer pour le fidèle Méloir, vainqueur mais repentant.

Une salade suivit de près le poulet rôti et Méloir trouva que décidément son compagnon avait bien de l’esprit — et de la bonté.

Le régime de l’auberge n’était pas pour lui déplaire. Il y pensait, et fut amené à traduire ainsi tout haut une de ses réflexions

— Voilà ce que c’est, je ne mens point… Si c’était que vous voudriez aller tout seul à Landerneau ? J’attendrais ici à l’auberge, pour savoir si ça chauffe toujours là-bas, et si Vivette m’en veut encore d’avoir cabossé ce quart d’homme de Flohic…

— Aller seul à Landerneau ! Ah ! pour ça non, par exemple, s’écria Jean en devenant tout rouge. Non, non… Nous allons remonter en wagon, et tous les deux : nous ferons notre digestion en route.

Jean dut mettre le Breton en mouvement. Ce ne fut pas sans peine. Somme toute, déjeuner au Mans, souper à Laval convenait assez à l’ex-gazier, ou pour mieux dire, au moucheur de chandelles de l’ancienne loge Risler.

Les deux jeunes gens avaient devant eux jusqu’à quatre heures et demie de l’après-midi. Ce temps, le petit Parisien l’employa à visiter ce qu’il y avait d’intéressant à voir au Mans : la cathédrale, qui présente des spécimens de