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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/606

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

halte, si on trouverait à manger un morceau et à boire une « bolée » de cidre autre part qu’au buffet de la gare. À Flers, la demi-heure d’arrêt fut amplement mise à profit par le pâle gars breton que le chagrin semblait creuser. Jean se disait qu’heureusement Caen n’était plus bien loin : son porte-monnaie n’eût pu supporter plus longtemps les saignées qu’il y pratiquait pour satisfaire à l’appétit de son famélique compagnon. Le jeune Parisien soucieux sur l’issue du voyage, nerveux, rempli d’appréhension sur l’accueil qu’il allait recevoir de la baronne et de Sylvia, ouvrait à peine la bouche. Méloir, pour lui témoigner son estime, achevait lestement la tranche de jambon qui rougissait son assiette ; il l’aidait également à voir le fond des bouteilles.

Le train reprit sa marche. La fraîcheur des campagnes que l’on traversait parvint à calmer un peu l’agitation de Jean. Le pays se présentait tout en prairies coupées de ruisseaux, divisées par de nombreuses clôtures ; à droite et à gauche quelques points culminants, les buttes de Landissac, de Belle-Étoile et de Cérisy ; on distinguait au nord-ouest les futaies de Vassy. C’est ainsi qu’on parvint en gare de Condé-sur-Noireau.

C’est un chef-lieu de canton de plus de 7,000 habitants, à la jonction de la Drouance et du Noireau, ville commerçante et industrielle comme Flers, qui montre les débris d’un donjon du douzième siècle. L’amiral Dumont d’Urville y est né en 1790. Les concitoyens de l’illustre navigateur lui ont élevé une statue de bronze.

À Condé-sur-Noireau le train se trouvait à la limite du Calvados, y ayant pénétré. Il était trois heures. Jean demanda à quelle heure on arrivait à Caen.

— À quatre heures et demie, lui répondit-on.

Et il pâlit.

Méloir s’en aperçut.

— Ce serait donc que vous auriez regret de faire ce que vous m’avez promis ? dit-il.

— Oh ! que non ! fit Jean. C’est l’embarras d’entrer chez les gens… où je veux te conduire. Mais il est temps de te parler d’eux. Tu n’as pas oublié cette jeune fille que ses parents sont venus réclamer à Saintes ?…

— Mademoiselle Cydalise ? s’écria Méloir. Oh ! que nenni da ! Faut pas mentir : j’ai encore le cœur troublé de l’émotion de la pauvre mignonne demoiselle.

— Sais-tu d’où venaient ses parents ?