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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Le gendarme, suivi de près par son brigadier, se tourna vers celui-ci, et lui exposa à son tour ce qu’il venait d’entendre.

— Voici la chose, mon brigadier : c’est la dame. Elle dit, comme ça, qui dit, qu’un particulier s’est introduit en route dans son wagon, qui dit. Un malfaiteur de la pire espèce, quoi ! La dame change son sac rouge de place, qui dit ; mais le malfaiteur le voulait ce sac ; il a un empoignage avec elle, qui dit, et pour se débarrasser d’elle, il l’étrangle quasiment avec une cravate, et se sauve, qui dit, avec le sac. Voilà tout uniment l’accident, mon brigadier. C’est clair et limpide. Seulement ils étaient deux malfaiteurs de la pire espèce. Comprenez ?

Pendant cette sorte de rapport inintelligible, accompagné d’énergiques secouements de sabre, le brigadier, bel homme, à figure pleine et placide, tournait alternativement la tête vers le gendarme et vers la plaignante, avec des mouvements automatiques.

— C’est bon ! fit-il, voilà une grosse affaire pour les magistrats.

Le commissaire de police venait justement de recueillir à la hâte quelques indications du chef de train. Il s’approcha et offrit son bras à la dame blonde.

— Le vol, lui dit-elle, n’a d’importance que pour moi. Le sac ne contenait guère, avec très peu d’argent, que divers objets destinés à établir l’identité de ma pauvre enfant, qu’on m’a volée, monsieur, il y aura quatre ans le 1er septembre. Je venais à Figeac pour faire une démarche… J’en ai tant fait déjà sans succès ! Et qui sait si l’acte de violence dont je me plains ne fait point partie d’un système de persécution dirigé contre moi ? C’est à en devenir folle, monsieur le commissaire !

— La pauvre ! la pauvre ! disait-on autour de la dame avec intérêt. , on lui a pris sa petite !

— Que ceux qui ont quelque témoignage à fournir à la justice, dit le commissaire de police, prennent la peine de passer à mon bureau.

Jean avait quitté son vieil ami pour aller jeter un coup d’œil dans le wagon, dont la portière demeurait ouverte : il voulait voir.

Il aperçut dans un coin un mouchoir bleu, à carreaux, et le ramassa avec la pensée qu’il y avait peut-être là un indice propre à le fixer sur de terribles soupçons conçus par lui. Tremblant d’émotion, il se hâta de l’apporter au commissaire ; mais tout en marchant, il cherchait d’une main fébrile, à l’un des coins, la marque du linge. Il trouva celle-ci : J. R.

— Je ne m’étais pas trompé ! murmura-t-il en pâlissant. Et il ajouta tout haut : Ce doit être le mouchoir de l’assassin.