Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/612

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avait vaguement entrevu Sylvia, comprit qu’elle était près de lui et lui tendit une main qu’elle prit vivement dans les siennes). Que de reconnaissance nous vous devons ! Jamais, mon enfant, je ne pourrai m’acquitter envers vous de nos obligations : réglez-vous sur ça, — et relevez la tête… afin que nous nous assurions que votre méchanceté ne vous a pas trop enlaidi…

Jean se dégagea à demi, vit pleurer Sylvia et sourire Maurice, et, honte et défaillance à la fois, il se laissait glisser aux pieds de la baronne comme pour solliciter un pardon obtenu déjà avant d’avoir été demandé. Mais elle prévint son mouvement etl’arrêta.

— Vilain enfant ! s’écria-t-elle en le serrant vivement dans ses bras. Jean, alors tout réconforté, rendit à la baronne sa tendre caresse, et se sentit la force d’aller à son tour embrasser Maurice et Sylvia.

— Et moi ? fit une petite voix marquée d’un léger accent étranger.

— Embrassez aussi miss Kate Tavistock, dit Maurice à Jean, — qui s’exécuta de fort bonne grâce.

— Vous êtes tous bien bons pour moi, murmura le pauvre garçon sans oser davantage tenir les yeux levés ; mais le baron… que dira-t-il ?

— Ami Jean, le baron vous aime autant que nous vous aimons tous, répliqua madame du Vergier.

Jean regarda Sylvia.

Son expression souriante et douce ne démentait pas les paroles de sa mère. Mais quelle était donc belle dans cette transfiguration opérée par la fortune ! Comme on voyait qu’elle avait retrouvé le milieu pour lequel elle était née ! Jean fixa sur elle un regard qui trahissait le trouble que lui causait sa vue ; et son émotion fut si vive que de grosses larmes vinrent rouler dans ses yeux à peine séchés. Il lui fallut un violent effort de volonté pour reprendre un air naturel.

— Et vous êtes venu de bien loin, Jean, pour demander votre grâce ? dit madame du Vergier.

— Je ne venais pas à Caen pour ce motif, je vous jure, madame, — bien que mon contentement soit grand de vous trouver si indulgente…

— Vraiment ? D’où venez-vous donc ?

— De… de Landerneau…

— De Landerneau ! s’écria Maurice. Et il éclata d’un franc rire. Ma foi ! il est unique, ce Jean !

— Et peut-on savoir ce qui vous a conduit à Landerneau ? poursuivit la