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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

» Isolées par des vallons, elles changeaient sans cesse de place, naguère. Les dunes s’élevaient, s’abaissaient, s’éloignaient, se rapprochaient suivant le caprice des vents ; et toujours leur masse, augmentant la menace d’un danger perpétuel, croissait aussi ; car la mer jette sur les côtes plus d’un million de mètres cubes chaque année ; elles augmentaient donc, et gagnaient du terrain, ensevelissant peu à peu et parfois assez brusquement, champs cultivés, villages, forêts, enfin tout ce qu’elles rencontraient ; mais sans rien renverser, grain de sable à grain de sable : les feuilles mêmes des arbres gardant leur position et les rameaux leur dernier balancement, à la minute de l’invasion. La dune avançait, et bientôt on ne reconnaissait plus la place occupée la veille par les demeures et les cultures — si ce n’est aux branches hautes de quelques grands arbres plantés devant les portes des habitations, selon une coutume très ancienne généralement suivie. Ces têtes d’arbres perçaient la surface de la colline mouvante. »

Avec une connaissance plus complète de la région, Maurice du Vergier eût pu ajouter que les pays de Born, de Mimizan et du Marensin, qui forment la zone du littoraldu département des Landes, sont séparés des Landes du Médoc par le pays de Buch, qui contourne au sud le bassin d’Arcachon et par la charmante vallée où coule la Leyre, vallée renommée pour ses sources nombreuses et ses massifs d’arbres fruitiers. Toutes ces dunes étaient, il n’y a pas beaucoup d’années, dépourvues d’arbres, parsemées de lagunes et d’étangs. Étangs et dunes ont été conquis à la sylviculture par l’asséchement du sol et des plantations régulières. Le boisement des dunes, la transformation des Landes rases en forêts, la mise en culture des bas-fonds arrosés, telle est la réforme en partie réalisée que poursuivent les propriétaires landais. Depuis une vingtaine d’années, on a même entrepris avec ardeur l’agrandissement du domaine agricole par la conquête des terres d’alluvion et dessables que recouvrent de leurs eaux de vastes étangs comme ceux de Soustons, de Léon, de Saint-Julien et les grands lacs du pays de Born.

Il est à regretter que l’exploitation des forêts de pins soit le plus souvent poussée à outrance. Dans le Marensin, on ne voit pas sans appréhension pour l’avenir ces grands pins trop avidement sollicités dans leur sève : entourés de gouttières de fer-blanc et de gobelets en terre, la vie de ces arbres s’écoule prématurément perle à perle.

Les « résiniers », gens d’allure passablement sauvage, sont loin de vivre toujours en bonne intelligence avec leurs « bourgeois ». Pendant longtemps ils ont, en qualité de métayers, partagé la récolte de la résine par moitié avec