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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Voilà une belle idée ! s’écria Maurice. Et s’adressant à Jean : Si nous y allions aussi… chasser l’isard ?

— Mais… je ne demande pas mieux ! dit Jean.

Sir William souriait. Comment ! il aurait la bonne fortune d’emmener avec lui des témoins de ses extravagances !

— Nous vous accompagnerions bien volontiers, sir, si vous le permettiez ?… Ce doit être un bien agréable divertissement cette chasse-là !

— Aôh ! yes, tutafaite ! Je suis fol, mais je avé encore l’œil juste, vous verrez ce que je sais faire avec une carabine.

La folie du baronnet, Maurice et Jean le devinèrent, consistait à vouloir se faire passer pour fou. Généralement c’est le contraire qui se produit. Mais est-ce bien là une sorte de démence classée ? En tous cas, on ne simule pas la folie quand on est en pleine possession de son bon sens.

— Vous feriez peut-être mieux de ne pas venir avec môa ? reprit-il par pur esprit de taquinerie. Vous réfléchirez, et vous viendrez me rejoindre… Au revoir ! Bonnejoure ! voilà l’heure du train. Apprenez aussi à milady que j’avé tout de même l’intention d’acheter les Pyrénées.

En entendant l’énoncé de cette énormité, Méloir éclata de rire et marmotta entre ses dents : « Je vas le piler l’Ingliche ! » Maurice se tourna vers l’indisciplinable Breton et lui jeta un regard furieux. Mais le baronnet semblait tout heureux de l’effet produit, et il reprit :

— Je crois que les Pyrénées valent mieux que les Alpes. Je sais bien que pour le même prix je pourrais avoir tout un département français.

Maurice et Jean avaient de la peine à garder le sérieux. Quant à Méloir il faisait des efforts désespérés pour se contenir, se fermait la bouche avec la main. Maurice le regarda de nouveau d’un air sévère.

— Laissez rire cette garçon, intervint le baronnet ; puisqu’il est convenu que je suis fol… Voyez-vous en Angleterre nous possédons de grandes, grandes propriétés. Chez vous, on ne sait pas faire les choses… Aôh ! non. Des champs morcelés, larges comme un mouchoir, moins que ça : comme la main…

Et, tout à fait réjoui de la tournure que prenaient les choses, sir William se mit à rire à son tour si bruyamment que Méloir en profita pour donner un libre cours à son hilarité, sans crainte de réprimande.

— Hélas ! c’était bien vrai, dit Jean à Maurice, il déménage ce pauvre baronnet. Jouez serré, mon ami.

Une sonnerie quelconque se fit entendre à l’église voisine :