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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

auberge à sa convenance, et il ne reparaîtrait que le surlendemain à la fin de la journée : il serait censé s’être « égaré » dans Toulouse — chose assez difficile ! — et avoir cherché d’hôtel en hôtel jusqu’à l’hôtel de la rue d’Alsace-Lorraine. Le jeune baron se refuserait à quitter la ville avant d’avoir retrouvé son fidèle serviteur…

— Ça me flatte tout de même cette manigance-là, observa le Breton. Dommage que ce soit à cause de ce faille merle d’Ingliche !

Jean glissa quelque argent dans la main du gars, heureux de le voir s’associer résolument à leur stratagème.

— Par sainte Nonne et saint Divy, son fils ! s’écria Méloir, vous ne me reverrez brin ni miette avant le moment que vous avez dit. Sauriez-vous pas ce qu’il y a de bon à manger dans cette ville ?

Très sérieusement, Jean réfléchit : il fallait bien entrer dans les idées de ce garçon gourmand sur qui reposait peut-être le succès des efforts communs.

— Des foies gras, peut-être, dit-il… mais il me semble que ce n’est pas encore la saison… Attends un peu : on fait ici des pâtés de foies de canard excellents…

— Je verrai bien, dit le Breton en se pourléchant d’avance, surtout si vous n’êtes pas regardant a l'argent blanc que je puis dépenser…

— Nullement ; mais quitte-nous avec adresse !

C'est ce que sut faire Méloir. Et lorsqu’une heure après en rentrant à l’hôtel, sir William voulut donner l’ordre au Breton de tout préparer pour le départ du lendemain, Jean et Maurice firent semblant de chercher le gars partout.

— Je parté sans lui, voilà !

— Mais, sir, je ne puis abandonner ce garçon dans une ville ou il ne connaît personne…

— Fort bien ! Je parté sans vô !

— Oh ! sir, vous ne me feriez pas une semblable peine ! Mon domestique sera facilement retrouvé… s’il ne retrouve lui-même notre hôtel…

— Fort bien ! Allons dîner, dit flegmatiquement le baronnet, qui se dirigea vers la table d’hôte, accompagné de Maurice et de Jean assez inquiets sur la réussite de leur combinaison.

Ils ne s’attendaient certes pas à ce qui allait arriver.