Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/724

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
716
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

mettons qu’il l’eût loué — dans son impatience de rester inactif. L’âne allait plus vite que les vélocipédistes ; seulement il s’engagea dans un chemin de traverse conduisant au château du Chesne, et d’où Méloir ne put jamais le faire sortir.

Sans perdre leur temps à attendre Méloir, les deux amis poursuivirent leur chemin ; à leur gauche, à l’extrême horizon, ils distinguaient la chaîne du Jura dominée par le Mont-Blanc…

Maurice et Jean arrivent enfin à Tournus, qui s’élève sur la pente d’un coteau, couronné par les bâtiments d’une vieille abbaye qui ressemble à une antique forteresse. Ils courent au quai de la Saône, bordée de curieux : le baronnet venait de toucher, et reprenait le fil de l’eau. Le canot de papier se trouvait encore en vue.

— Il est de papier, vous dis-je, assurait un joueur de boules à son partenaire ; je l’ai taté et gratté avec mes ongles.

— De papier ! de papier ! Il serait déjà troué par les troncs d’arbres de la rive. Et celui qui le monte, il est donc de papier aussi !

— Je vais télégraphier à mon oncle de Mâcon, disait un neveu en passe d’hériter, pour qu’il aille voir la merveille nautique sur les quais. Ah ! ces Anglais sont capables de tout !

— Si nous usions nous aussi du télégraphe, pour faire arrêter le baronnet ? suggéra Maurice à son ami.

— Y pensez-vous ! répondit Jean qui, heureux de son début de vélocipédiste, désirait faire une campagne plus longue. Votre futur beau-père aurait le droit de se formaliser…

— Qu’est-ce que le monde va devenir, s’écria une bonne femme, si l’on fait maintenant des bâtiments en papier !

— Alors essayons de gagner de vitesse sur lui, dit Maurice.

Et sans entreprendre de retrouver Méloir, ils remontèrent sur les vélocipèdes et roulèrent vers Mâcon. La route suivait le fleuve de très près ; souvent elle y touchait. Un peu avant Mâcon, ils longèrent l’île de la Palme ; ils aperçurent cette dernière ville et ses églises sur la pente d’un coteau qui vient mourir au bord du fleuve.

À Mâcon, où déjà il y avait foule sur les quais, — le télégramme du neveu n’avait point souffert de retard — ils eurent le crève-cœur de voir le baronnet aborder sur la rive d’en face, à Saint-Laurent de l’Ain, qui est le faubourg de Mâcon. Ils entreprirent de traverser la Saône sur le pont de douze