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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/725

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

arches qui relie les deux rives ; mais ils n’étaient pas au milieu du fleuve que déjà l’Anglais poussait de nouveau au large.

Ils le virent tantôt ramant, tantôt pagayant avec une belle furia. La Saône n’est pas très rapide, mais elle aidait la marche du canot de papier.

— Si nous louions un bateau ? avec de bons rameurs ? proposa Maurice ; nous pourrions peut-être l’atteindre.

— Et les vélocipèdes ?

— Nous les emporterions avec nous. C’est vous qui retardez ma marche, cher ami.

— Louons un bateau, je le veux bien !

Cinq minutes plus tard, ils voguaient sur la Saône. Le rameur d’avant manœuvrait une paire d’avirons ; Jean et le second rameur occupaient le second banc faisant chacun plier leur unique rame sous leurs efforts ; Maurice tenait la barre.

— Gagnons-nous de vitesse ? demanda Jean au bout d’un moment.

Maurice secoua la tête. Le baronnet, qui devinait une poursuite, se servait de la voile et de l’aviron. Sa légère coque de papier, courait sur l’eau qu’elle effleurait à peine.

Ils passèrent devant Thoissey, sur la Saône. À droite se montraient les montagnes du Beaujolais, et parmi elles le pic isolé de Torvéon ; la vallée de la Saône se rétrécissait. Du même côté, tout près du fleuve, Belleville cachait son église romane derrière un rideau de peupliers.

Le canot de papier si bien manœuvré, et qui faisait honneur à son constructeur autant qu’à celui qui le dirigeait, s’engagea entre la rive droite et l’île de Guerreins, puis l’île de Mont-Merle. À la hauteur de Villefranche les deux amis se trouvaient tellement distancés qu’ils abandonnèrent le bateau de location et remontèrent sur leurs vélocipèdes.

Ils suivaient la rive droite. Hélas ! le baronnet alla toucher la rive gauche, un peu avant Trévoux. S’il avait pu s’attarder dans l’admiration des bords de la rivière qui offrent, à partir de cet endroit, des paysages charmants ? Une île balançait au milieu du fleuve ses hauts peupliers ; les rives se présentaient vertes et riantes. Mais que lui importaient à lui les rives de la Saône ? Il ne pensait qu’à compléter le bon tour joué à sa « suite » en disparaissant tout à fait — pour faire enrager milady d’une autre manière.

Les vélocipédistes dépassèrent Albigny où la Saône coule entre des îles boisées et pittoresques. Ils approchaient de Lyon. Tout à coup, Jean perd l’équilibre, et le vélocipède le couche sur la route, froissé, meurtri. Il fallut