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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Après une excursion aux cascades et au glacier des Pèlerins, sir William décida qu’on verrait la mer de Glace en passant par le Montanvers. C’était une promenade de six à sept heures, dont deux et demie pour atteindre le haut du Montanvers, à près de deux mille mètres d’altitude.

Ils partirent un matin aussitôt après leur lever et, sans emmener de guide se contentant de leurs bâtons alpestres à pointe de fer.

Arrivés à l’endroit où, l’été, le Montanvers étale sa jolie pelouse, ils rassasièrent leurs regards du spectacle des hauteurs qui les séparaient du Mont-Blanc et des glaciers qui remplissent leurs intervalles. Le Mont-Blanc dominait tout superbement.

Sir William voulut qu’on se dirigeât ensuite vers la mer de Glace. Ils descendirent tous par un sentier rapide encombré de neige, où les mélèzes, aux troncs desquels ils se retenaient, servaient à ralentir leur course. Ils allaient pénétrer dans la mer de Glace et déjà, les inégalités qui semblaient d’en haut n’être que des ondulations arrondies d’une mer subitement figée, leur apparaissaient telles qu’elles sont : des ondes hautes comme des collines, des creux profonds comme des vallées. Ils se faisaient une joie de voir les curieux accidents du glacier, ses larges et profondes crevasses, ses cavernes, regrettant de n’être pas en été pour admirer les lacs remplis de la plus belle eau enfermée dans une cuvette aux parois transparentes, les ruisseaux qui coulent alors dans les canaux de glace, et forment des cascades qui écrasent leur écume dans des abîmes de glace, — blanc sur blanc.

Cependant Jacob et Hans avaient suivi de près le baronnet et ses amis. Par un froid de plusieurs degrés au-dessous de zéro ce n’était pourtant pas là une promenade des plus agréables. Évidemment ces deux hommes agissaient avec un dessein inavouable, et ils cherchaient l’occasion de le mettre à exécution.

Hans Meister avait persuadé Risler de terminer leur vie de pérégrinations et d’aventures en dérobant au gentleman anglais, si riche et si ridicule, son portefeuille trop garni et, par la même occasion, de distribuer à droite et à gauche du personnage grotesque quelques horions à tous, sans oublier ce coquin de neveu si tenace et qui s’obstinait à se trouver toujours sur leur chemin ! Il est vrai qu’ils seraient reconnus et par le maudit Jean, et par le Breton ; mais qu’importait après tout ? La force et l’adresse n’étaient-elles pas de leur côté ? En s’y prenant bien, on pouvait mettre l’étranger et les siens hors d’état de se plaindre en temps opportun ; la frontière suisse n’était pas si éloignée…