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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Mais je ne voudrais tuer personne, avait objecté Jacob Risler.

— Tarteiffle ! Qui vous parle de tuer ? Ce n’est ici qu’une bonne farce… comme nous en faisions dans le Cantal…

Hans Meister reprochait à son ancien compère sa timidité nouvelle. Il le stimulait, l’excitait contre son neveu ; il déclarait se charger du plus lourd de la besogne, et prendre à son compte ce qui surviendrait de plus grave. Et c’est dans ces dispositions qu’ils s’étaient mis en campagne ce matin-là, Jacob hésitant toujours un peu…

L’Anglais descendit un escarpement. Il enfonçait dans la neige tombée la veille. Un moment, il se trouva assez éloigné de Maurice et de Jean, mais non hors de leur vue. Méloir était avec ces derniers, lorsque soudain, levant les yeux, il aperçut tout en haut du talus de glace, l’Allemand qui s’avançait avec précaution, avec des mouvements sinistres, des allures de bête fauve ; il n’hésita pas à le désigner à ses jeunes maîtres ; mais avant que Jean eût pu réfléchir à ce qu’avait d’étrange cette apparition en ce lieu, l’attention do tous se porta sur un homme grand et fort qui venait de surgir de derrière un pan de granit, assez près de sir William.

Jean étonné, effrayé même, n’en pouvait croire ses yeux, lorsque Méloir lui dit :

— De sûr et de vrai que c’est votre oncle, ce gros-là !

Comment et pourquoi Jacob Risler se trouvait-il au milieu de ce glacier ? se demandait Jean. Et cette silhouette noire, là-haut, qui ne pouvait être, — il n’en fallait plus douter, — un autre que Hans Meister ? Que signifiaient donc les agissements de ces deux hommes capables de tout ?

Le baronnet voyait sans aucune crainte Jacob se diriger vers lui.

— Vô êtes une guide ? lui cria-t-il.

Une guide ! Jacob souriait dédaigneux et ironique. Il examinait l’étranger, étudiait l’ampleur de sa poitrine, semblait s’assurer que le portefeuille s’y trouvait, mesurait la distance qui le séparait du touriste, sondait la profondeur de l’escarpement où il pouvait le pousser après l’avoir dépouillé dans une courte lutte… Voilà où en était arrivé Jacob Risler, grâce aux suggestions de Hans.

Tout à coup, il s’aperçut que son compère lui jouait un tour de sa façon : il s’efforçait à l’aide de son pic de détacher, de briser à sa base un glaçon qui s’ébranlait déjà, près de rouler comme une avalanche destinée à emporter l’Anglais jusqu’au fond d’une crevasse du glacier. Celui-ci mort ou blessé,