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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/772

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

que le 25 septembre précédent un épouvantable cyclone s’était abattu sur cette ville. En moins d’une demi-heure, les toitures de plus de cent maisons avaient été enlevées, les arbres séculaires des promenades presque tous renversés, deux ponts emportés… Après une heure de tourmente, la pluie tomba abondamment. Le Gard grossi par ses affluents, charriait des cadavres de bestiaux, des meubles, des arbres… La gare des marchandises s’était écroulée ensevelissant cinq personnes, toutes grièvement blessées ; et le train de Quessac, qui allait partir, fut emporté par la force du vent, à plus de cent mètres de la gare, blessant le mécanicien et le chauffeur.

Voilà le régime de la région située à l’ouest du Rhône, au-dessous de Lyon, et jusqu’aux bouches de fleuve.

Jacob à peu près rétabli de son indisposition, on s’était mis en route, cette fois à travers la Provence. L’oncle et le neveu arpentèrent bien des coins de pays poudreux, blanchâtres, voués à la sécheresse éternelle, sous un ciel aveuglant ; le long des routes, leurs pieds laissaient une empreinte d’un pouce dans la poudre blanche finement tamisée par le soleil. Voyager devenait un supplice.

Soudain au tournant d’une montagne, comme par un coup de baguette magique, ils se trouvaient sur des routes belles, ombragées ; un air vif chargé de senteurs balsamiques courant sur les campagnes ; les coteaux apparaissaient chargés d’une innombrable quantité de petites maisons, gaies avec leurs volets verts et leurs toits de tuiles rouges ; dans les fonds humides, sur la verdure des prairies, s’allongeaient les ombres des peupliers et des saules plantés au bord des eaux vives ; des champs de garance ou de maïs alternaient avec des pièces de luzerne ; plus loin, en bonne situation, les coteaux se ceignaient de vignes, d’oliviers et de mûriers ; et tout cela, alors, était éclairé par un beau soleil, qui fécondait et ne tarissait pas.

Ailleurs, — comme entre le mont Ventoux et le Rhône, — la vaste plaine s’étendait couverte d’oliviers et de mûriers formant çà et là de véritables forêts.

Tantôt à pied, tantôt en chemin de fer, on avait atteint, à la jonction des deux vallées du Rhône et de la Durance, Avignon, qui au moyen âge tint un rang distingué parmi les cités du Midi, et conquit au treizième siècle son autonomie, avant de devenir la résidence des papes. Jean vit se dresser sur le rocher des Doms, la masse énorme et sévère de leur palais, surgissant comme une vision du passé, du milieu des tours de la vieille muraille d’enceinte, des nombreux clochers et des « bourguets » ou petites tours que