Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/773

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
765
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

les bourgeois avaient élevées par centaines au temps de la liberté de leur ville, et dont plusieurs se dressent encore au-dessus des maisons aux toits rouges.

Son fameux pont « Le pont d’Avignon » de la ronde enfantine, « bâti par le diable et saint Bénezet », a été longtemps le seul pont jeté sur le Rhône en aval de Lyon.

La curiosité poussa Jean vers la fontaine de Vaucluse, et son oncle le suivit. On sait que ce lieu a inspiré à Pétrarque quelques-uns de ses plus jolis vers. C’est à douze kilomètres d’Avignon que se trouve cette fontaine, au fond d’une gorge, dans la chaîne des monts qui joint le Ventoux au Luberon. Un demi-cercle de rocs calcaires à pics, déchirés, dénudés, calcinés, aux parois de plus de deux cents mètres de hauteur, sans autre végétation qu’un seul figuier qui s’accroche à la pierre, ferme le vallon sinueux de Vaucluse. Au centre de ce mur de rochers, s’ouvre une grotte ou plutôt un gouffre d’environ trente mètres de largeur, sous une vaste roche rougeâtre et nue. Là, filtrent et s’amassent dans un bassin tranquille les eaux venues des plateaux voisins à travers les fissures d’un sol rocheux. Ce bassin a une soixantaine de pas de circuit. L’eau croît ou diminue, souvent sans cause apparente. Quand elle diminue, son récipient présente l’aspect d’un vaste entonnoir dans lequel on peut descendre assez facilement.

Soudain la fontaine est gonflée par les infiltrations ; elle franchit les parois du bassin, bouillonne à ciel ouvert, et déborde en flots tumultueux dans le lit incliné de la Sorgues, formant une cascade au-dessus du talus de débris des roches. Ce phénomène se produit quelquefois avec une violence terrible, un fracas épouvantable.

D’Avignon, nos porteballe s’en allèrent du côté d’Orange, ville de 11,000 habitants, située sur le Meyne, au pied d’une colline. De là, ils se dirigèrent vers Carpentras. « C’est bien injustement, a dit M. E. Reclus, que le seul nom de Carpentras, éveille l’idée d’une petite ville de province, peuplée de bourgeois vaniteux et médisants ; il se trouve précisément que, toute proportion gardée, Carpentras est, parmi les villes de faible population, une de celles qui se distinguent le plus par l’industrie, l’amour de la science et des arts. Elle a bibliothèque et musée, et forme elle-même une sorte de musée par ses monuments, depuis l’arc de triomphe romain de l’ancienne Carpentoracte, aux puissants bas-reliefs représentant des guerriers, jusqu’à son bel hôtel de ville du dix-huitième siècle et à ses grands aqueducs. » Et voilà