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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/774

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

comme on fait les réputations, avec des plaisanteries de feuilletonistes et des chansonnettes :

À Carpentras ! à Carpentras !

Pénétrant dans la région montagneuse, nos petits marchands virent Apt qui possède des mines de soufre, les seules qui soient fructueusement exploitées en France.

Ils contournèrent au sud le mont Ventoux, et visitèrent les principales villes des Basses-Alpes : Forcalquier, sur le flanc d’un mamelon, dominé par un pic que couronnent les ruines d’un ancien château fort ; Digne, dans un vallon pittoresque ; Sisteron, sur la rive droite de la Durance, place forte qui commande les vallées de la Durance et du Buech.

Un ancien proverbe disait que la Provence était affligée de trois fléaux : le mistral, la Durance et le parlement. De ces trois fléaux, il n’en subsiste plus que deux. La Durance jusqu’à l’endroit où elle va rejoindre le Rhône (un peu au-dessus de Tarascon) a gardé ses allures de torrent, tour à tour roulant à elle seule autant d’eau que tous les fleuves de France réunis, et réduite à de minces filets d’eau, serpentant au milieu des champs encombrés de pierres, véritables « craus », larges d’une demi-lieue. Des îles ou « isèles » couvertes de saules et d’autres arbres se succèdent régulièrement entre les petits courants partiels et leurs lits de cailloux.

Ils virent aussi Barcelonnette, principal centre habité d’une admirable vallée adossée aux grands sommets des Alpes ; les dernières rampes frangées de sapins et de mélèzes l’encadrent de toutes parts. La ville est entourée de belles prairies, de vergers et de jolis jardins.

Ils se hasardèrent dans la montagne, et, à leur grande surprise, ils rencontrèrent nombre d’acheteurs parmi les populations qui habitent ces agglomérations villageoises de maisons à un seul étage, aux toits à pointes aiguës couverts d’ardoises ou de petites plaques de bois résineux. Ces montagnards très studieux par goût, et qui lisent beaucoup durant l’hivernage, s’adonnent avec profit à des occupations pastorales. L’été, les pelouses verdoyantes et fleuries qui couvrent les flancs et les sommets des montagnes, forment d’excellents pâturages, fréquentés annuellement par des milliers de moutons transhumants, qui appartiennent principalement aux départements du Var et des Bouches-du-Rhône. Ces animaux vivent là en plein air pendant plusieurs mois, sous la garde de bergers qui les défendent contre les loups.