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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Assis sur le sable, les jambes en croix, chacun satisfaisait sa faim. Puis circulait à la ronde la grosse bouteille garnie d’un tissu de cordes tressées. Les courtes vagues ramenant les galets avec un bruit sec, rythmaient la conversation : un petit Parisien était un phénomène pour ces braves gens, qui allient à beaucoup de finesse et de bon sens une charmante naïveté.

Au nord du golfe de Fréjus et de la vallée de l’Argens, se dresse un petit massif de montagnes, parfaitement distinct des Alpes maritimes ; c’est l’Esterel. Du temps des Romains la voie Aurélienne escaladait les hauteurs des plus âpres sommets, et jusqu’à l’ouverture du chemin de fer qui contourne l’Esterel en longeant le littoral, il n’y a eu d’autre chemin, de Toulon à Nice, que cette route de montagne infestée de voleurs.

L’Esterel, très désert, très aride, coupé de précipices et de ravins périlleux, n’a point de forêts étendues, mais seulement des broussailles, des fourrés d’arbousiers et de bruyères, entremêlés çà et là de grands arbres. Ce qui fait son incomparable beauté, ce sont les superbes promontoires d’où l’on domine à la fois les deux golfes de Fréjus et de la Napoule.

Jean et son oncle après avoir stationné à Grasse, célèbre par ses distilleries de fleurs, et à Draguignan qui est le chef-lieu du département, se hasardèrent dans l’Esterel, où ils virent plus d’une curieuse localité.

En passant par Bagnol, Jean ne se doutait pas que ce village caché dans cette région perdue, a été fondé par l’ancêtre de l’écrivain qui devait raconter ses pérégrinations à travers la France, Luigi Amero, noble génois qui, au treizième siècle, et au plus fort de ces querelles des Guelfes et des Gibelins qui chassèrent Dante de l’Italie, vint, à la tête de trente-cinq familles s’établir au milieu de ces solitudes.

En sortant de l’Esterel, nos petits marchands traversèrent les Maures pour se rendre à Hyères. Ces Maures sont un groupe de sommets granitiques ayant gardé le nom des envahisseurs africains qui s’y établirent fortement pendant le cours du neuvième et du dixième siècle. Cette terre avancée du continent, toute en forêts de châtaigniers, de pins et de chênes-lièges, en sombres ravins, en hauteurs abruptes, rendit fort difficile l’expulsion des Sarrazins. De nos jours, les montagnes des Maures, sont très rarement visitées, elles demeurent comme séparées du reste de la France par la route et le chemin de fer de Marseille à Gênes.

Cette région a pour elle son admirable climat, ses bois d’orangers, ainsi que ses bouquets de palmiers dans les vallées qui s’ouvrent sur le littoral. Ses plages sont fort belles et ses promontoires superbes. Elie de Beaumont a dit