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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/798

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Je cherche si, parmi tant de monde, il n’y a pas des amis pour moi.

— Des amis ? s’il en vient, ils n’arriveront pas avant le chef de l’expédition, dont tout le monde connaît les mouvements, par les journaux. Va, je te les amènerai à Pauillac…

Le Précurseur largua ses amarres vers sept heures trois quarts du matin, pour aller mouiller devant l’Entrepôt, afin de faire son évitage avec le flot. Entre midi et une heure, il devait lever l’ancre pour Pauillac.

Ce moment arriva.

Il fallut se quitter — séparation douloureuse, prélude d’une séparation plus douloureuse encore.

Le lendemain, Bordelais la Rose se trouvait à Pauillac, mais non pas seul : le train venant de Paris avait amené à Bordeaux, en même temps que M. de Brazza et plusieurs personnes de sa suite, le baron du Vergier, son fils, Modeste Vidal et Werchave ; et Bordelais la Rose, grâce à sa faconde de méridional, avait su rallier dans tout ce monde les voyageurs venus pour son protégé.

Les amis de Jean montèrent à bord du bateau à vapeur. Le plus leste, ce fut Maurice, qui dit d’abord adieu à son ami au nom de sa sœur, très touchée, très fière de sa courageuse détermination. Le baron du Vergier mit fin à ces confidences en s’emparant du jeune homme qu’il serra tendrement sur sa poitrine. Le baron, toujours un peu solennel, se crut obligé de faire un petit discours. Il dit à Jean tout plein de choses très sensées et fort bienveillantes, et l’assura de la sympathie de la baronne.

— Souvenez-vous, mon cher Jean, dit-il en finissant, que si jamais vous avez besoin des conseils et du secours d’un ami, vous en avez un en moi. Je me croirai toujours trop heureux de vous servir. Inutile de vous recommander d’agir avec honnêteté dans la voie nouvelle où vous vous engagez hardiment : je n’ai jamais rencontré de jeune homme en qui les principes de l’honneur et la loyauté aient jeté de plus profondes racines. Dieu vous bénisse, mon enfant, et que le bonheur vous accompagne ! Aussi loin que vous irez nous vous suivrons, et nos vœux hâteront votre retour.

— Oui, oui, c’est bien cela, murmurait Bordelais la Rose très ému. Sac et giberne ! c’est bien cela !

Les adieux de Modeste Vidal et de Werchave furent ceux de joyeux jeunes gens, enviant le sort de leur camarade.

— Il ne faut pas compter sur le poulet à naître de l’œuf qui n’est pas encore