Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/77

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— Vous allez bien ! ne vous gênez pas ; vous autres marins d’eau douce ! exclama t-il en montrant le poing à l’équipage. Vous venez de me couler une barque toute neuve. Il n’y a donc pas parmi vous un homme capable de tenir un gouvernail ?

— Vous feriez mieux de vous en prendre, de ce qui vous arrive, à votre stupidité propre, cria le capitaine en s’avançant vers lui. Qu’est-ce que vous aviez à faire, de vous engager dans le courant, quand vous n’êtes pas plus capable de manier un aviron qu’un ours de jouer de la guitare.

— Très bien ! cria Joe, injuriez-moi après avoir tenté de me noyer ! mais cela ne passera pas comme cela ! Il y a des juges à Montréal ! Il faudra que vous me payiez mon canot et le bain que vous m’avez fait prendre !

— Je crois, dit un matelot, que nous ferions aussi bien de virer de bord et de la ramener à terre.

— Maintenant que le mal est fait, il n’y a pas de presse, interrompit Joe, en se radoucissant comme par enchantement. Fournissez-moi d’abord le moyen de sécher mes habits ; ensuite vous me déposerez sur votre route, au premier endroit venu ; je suis chez moi sur toute la côte.

Et l’impudent gamin se mit, sans plus tarder, à la recherche d’un poêle, dont à la vérité il avait grand besoin.

— Puisque ce jeune coq paraît aller lui-même au devant d’un accommodement, ce serait vraiment dommage de retourner en arrière, observa le capitaine, qui avait ses raisons pour ne pas se faire d’affaires, et pour ne pas appeler sur la Marie-Anne, l’attention de la police du port.

La goélette continua à fendre l’eau, et bientôt l’équipage vit disparaître à l’horizon, les toits de la ville. C’était vraiment un joli bâtiment et un bon coureur, que la Marie-Anne.

Il était près de midi, lorsque Joe réapparut sur le pont, après une toilette des plus minutieuses. Un des matelots lui avait fait subir une friction de la tête aux pieds, et l’avait aidé à s’envelopper dans une couverture, pendant que ses vêtements étaient soumis à l’opération du séchage.