— Si je les connais ! exclama Joe qui sembla stupéfait par la bizarrerie d’une semblable question ; je crois bien que je les connais. Nous avons même voyagé ensemble, il y a peu de jours ; et nous nous sommes revus tout récemment. Je puis dire sans exagérer que je viens de les quitter, il y a à peine quelques instants !
Chacune des phrases de Joe était coupée par les mouvements de stupéfaction de l’auditoire.
— Alors, vous savez où ils sont en ce moment ? demanda encore l’avocat.
— Sans doute, je le sais, puisque je viens d’aider à les y conduire.
— Et où sont-ils ?
— En prison, répondit laconiquement Joe.
Ce fut un brusque coup de théâtre. Le juge et l’auditoire se demandèrent pendant un instant, s’ils n’étaient pas le jouet de quelque mauvais plaisant.
— Ce que vient de dire le témoin est la pure vérité, dit M. Harrison,en s’avançant devant la Cour. Grâce à ses indications, nous avons arrêté cette nuit la bande et son chef, et nous avons saisi entre leurs mains les instruments qui ont servi à la fabrication des faux billets.
— Pouvez-vous nous dire le nom du chef des faux monnayeurs ? demanda l’avocat de M. Halt.
— M. Ralph Turner, avocat de cette ville.
Et Joe scanda chacune des syllabes de ce nom, comme un acteur expérimenté dans l’art d’amener ses effets.
Cette fois, il y eut une suite d’exclamations entrecoupées particulièrement, au banc des avocats. L’émotion de l’auditoire était à son comble.
— Sur quelles preuves vous appuyez-vous pour formuler une accusation aussi invraisemblable ? demanda l’avocat de la couronne avec véhémence.
— Pardonnez-moi, répondit Joe, avec un superbe sang-froid, je croyais que j’étais ici pour témoigner dans la cause de M. Halt et non dans celle de M. Turner. Si vous vous intéressez à M. Turner, le gardien de la prison et l’homme de police sur lequel il a tiré cette nuit deux coups de revolver, vous fourniront tous les renseignements que vous pourrez souhaiter.
L’avocat de la Couronne se leva pour répliquer à cette sortie