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LES MALLARMÉENS

ries qu’espérait codifier Édouard Dubus dans ses Nouveautés prosodiques. La mort ne lui permit pas d’achever cet ouvrage. Il y eût sans doute établi de façon définitive les principes de son esthétique et précisé son idéal symboliste. Faute de mieux, il faut se borner à les reconstituer.

Pour Dubus, ni la vérité, ni le bien, ni la passion ne constituent l’élément essentiel de la poésie. Ils s’y rencontrent à titre d’accessoires. Le beau, voilà le seul objet du poème, l’émotion esthétique, l’unique résultat qu’il poursuit. Or, le beau se définit « la variété dans l’unité » et l’émotion esthétique « la perception par les sens des divers mouvements de la matière ». Il faut admettre au préalable avec Dubus qu’en « dernière analyse la couleur, le son, les parfums se réduisent à des vibrations de la matière ». Cela signifie-t-il que le poète doit traduire aussi exactement que possible les aspects du monde extérieur ? Non. La nature dans ses manifestations n’est pas esthétique. Il n’y a guère de paysage qui ne manque d’unité, guère de tempêtes où ne vibrent des notes fausses. Le poète doit donc nécessairement abandonner la copie de ce monde imparfait et créer lui-même ses formes esthétiques. En réunissant « dans une vigoureuse unité de but » un certain nombre de motifs variés, il réalisera le poème idéal. Voilà pour le sujet. Les formes esthétiques l’expriment ensuite par correspondance. Si l’on admet avec Spinoza l’unité de substance, il doit s’ensuivre que les modes de cette substance évoluent parallèlement. « Tout phénomène psychique a donc sa correspondance dans un aspect réalisé ou possible du ciel. Un fleuve correspond à une destinée ; un soleil couchant à une gloire qui sombre. » C’est le commentaire philosophique de la théorie baudelairienne : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. » Ainsi les formes esthétiques deviennent des symboles, c’est-à-dire des images concrètes qui expriment une chose purement abstraite. Ces images sont reliées entre elles simplement par l’unité du sujet de composition. Elles sont évoquées par