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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

que vous êtes heureux d’avoir une fille comme moi, jolie, bien faite, élégante, spirituelle, instruite… Avouez !

— J’avoue, c’est vrai.

— Ah ! ah ! Et sans compter que tu es jeune. Et que tout le monde va s’étonner de te trouver de grands enfants ?

— Oui, je suis très jeune encore…

— Papa, nous allons souper au jardin.

— Ce n’est pas comme il faut.

— Allons donc, papa, avec son père, le maréchal de noblesse que tous les chiens connaissent et qui est le chef de la jeunesse, de la jeunesse dorée de Pultava !

— Mais les chevaux attendent.

— C’est de cela que je voulais vous parler ; renvoyez ceux-là et nous rentrerons en fiacre.

— Toi en fiacre, jamais ! Et souper n’est pas convenable.

— Papa, lorsque moi je descends de ma dignité et trouve une chose convenable, il est ridicule que d’autres pensent autrement.

— Tu sais, nous souperons, mais c’est uniquement pour te faire plaisir ; je suis las de ces amusements.

Nous avons soupé dans un salon à part (exigé par papa par respect pour moi).

Bashkirtseff père et fils, l’oncle Alexandre et Nadine, Pacha, E…, M… et moi. Celui-ci ne faisait que me mettre mon manteau sur les épaules, en m’assurant que je prendrais froid.

On a bu du champagne ; E… demandait bouteilles après bouteilles pour me donner la dernière goutte.

On proposa plusieurs toasts, et mon ami d’enfance, prenant sa coupe, se pencha vers moi et me dit doucement : « À la santé de madame votre mère, » — Et