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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

de Shakespeare ou d’une tirade sur la philosophie platonicienne.

Vous voyez, je tire parti de tout.

Pacha me procura un chevalet et, vers l’heure du dîner, je reçus deux grandes toiles envoyées de Poltava par M…

— Comment trouves-tu M… ? demanda papa.

Je dis comment je le trouvais.

— Eh bien, dit Pacha, il m’a déplu le premier jour et après je l’ai aimé.

— Et moi, vous ai-je plu du premier abord ? demandai-je.

— Vous ? Pourquoi ?

— Voyons, dites,

— Eh bien, vous m’avez plu. Je ne m’attendais pas à vous trouver telle. Je pensais que vous ne saviez pas parler russe, que vous étiez affectée… et… et puis voilà !

— Très bien.

Je dis combien la campagne, les champs dépouillés déjà de leurs produits me faisaient un effet triste.

— Oui, dit Pacha, tout est jaune. Comme le temps vole ! Il semble que le printemps était hier.

— On dit toujours la même chose. Ah ! nous sommes heureux là-bas, nous n’avons pas ces changements si marqués.

— Mais aussi vous ne jouissez pas du printemps ! dit Pacha avec enthousiasme.

— Cela est plus heureux pour nous. Les brusques changements nuisent à l’égalité de l’humeur, et la vie est bien meilleure lorsqu’on est tranquille.

— Comment dites-vous ?

— Je dis que le printemps en Russie est une époque favorable aux tromperies et aux vilenies.