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JOURNAL

— Comment ?

— Pendant l’hiver, quand tout autour de nous est froid, sombre, muet, nous sommes sombres, et froids, défiants. Arrivent les jours chauds, ensoleillés et nous voilà transformés, car l’état du temps exerce une énorme influence sur le caractère, l’humeur et même les convictions de l’homme. Au printemps on se sent plus heureux et par conséquent meilleur ; de là l’incrédulité au mal et à la bassesse des hommes. — Comment, lorsque tout est si beau et lorsque je suis si heureux, si enthousiasmé et disposé au bien jusqu’à l’enivrement, comment peut-il y avoir place pour les pensées mauvaises dans le cœur des autres ? Voilà ce qu’on se dit. — Eh bien, chez nous, on n’éprouve pas ces enivrements, ou du moins bien plus faiblement ; d’où je conclus qu’on est dans un état plus normal et à peu près le même toujours.

Pacha s’exalta au point de me demander mon portrait pour le porter dans un médaillon toute sa vie.

— Car je vous honore et vous aime comme personne !

La princesse ouvrait de grands yeux et je riais en priant mon cousin de me baiser la main.

Il s’obstinait, rougissait et finit par m’obéir.

Un homme sauvage et étrange. Cette après-midi je parlais de mon mépris pour le genre humain.

— Ah ! c’est comme ça ! s’écria-t-il. Je suis donc un lâche, un misérable !…

Et rouge et tremblant, il s’enfuit à toutes jambes du salon.


Samedi 26 août (14 août). — C’est crevant la campagne !