Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
302
JOURNAL

On nous servit dans Ia forêt comme à la maison. Tout le monde avait faim, on mangea de grand appétit, tout en s’égayant aux dépens de Michel. Car c’était lui qui devait organiser la partie, mais, ce matin, il la renia honteusement et ies provisions partirent de Gavronzi.

On tira quelques fusées et on fit raconter des bêtises par un juif. Le juif, en Russie, est un être qui tient le milieu entre le chien et le singe. Les juifs savent tout faire et servent à tout. On leur emprunte de l’argent, on les bat, on les grise, on leur confie des affaires, on s’en amuse.

En rentrant dans ma chambre, j’étais si énervée que j’aurais passé ma nuit à pleurer d’attendrissement, si Amalia n’avait pas commencé des bavardages qui dirigèrent mes idées vers un autre point.

Il faut toujours couper l’humeur ; cela évite des scènes de larmes, des gisements par terre.

Et je déteste quand je fais ces scènes-là.

Ce pauvre Gritz ! À présent je le plains, il est parti un peu malade.


Samedi 2 septembre (21 août). — Je me suis évanouie de chaleur, et lorsque vers le dîner arrivèrent deux crocodiles de Poltava, je fis grande toilette, mais mon humeur était bien basse. On tira un feu d’artifice quee nous regardâmes du balcon, tout garni de lanternes vénitiennes ainsi que la maison rouge et toute la cour.

Ensuite mon père proposa une promenade, la nuit étant remarquablement belle. J’ai changé de vêtements et nous allâmes dans le village. On s’assit devant le cabaret, on réveilla un violoniste et un fou pour danser. Mais le violoniste, n’étant que le second violon, ne voulut jamais comprendre que le premier