achetaient pour la plupart et puis faisaient une boucherie d’hommes.
Nos braves meurent comme des brutes disciplinées, disent les gens de parti pris ; comme des héros, disent les honnêtes gens.
Mais tout le monde est d’accord pour dire que jamais encore on ne s’est battu comme se battent les Russes à présent. L’histoire vous le dira.
Mercredi 29 août. — Étant depuis longtemps tourmentée par le point obscur pour moi du passage de l’empire à la royauté, au morcellement définitif de l’Italie, j’ai pris un livre d’Amédée Thierry et m’en suis allée dans le bois où j’ai lu, cherché et appris ce qu’il fallait, tout en errant à l’aventure, ne sachant où j’allais et m’imaginant vainement des rencontres comme celle que j’ai décrite l’année passée.
Les Russes vont de mal en pis. On lisait les nouvelles de la guerre : le défilé de Chipka est encore aux Russes ; demain nous saurons le résultat de l’action décisive. Aussitôt j’ai fait vœu de ne pas dire un mot jusqu’à demain, pour que les nôtres gagnent.
Moi, à dix-huit ans, c’est une absurdité ! Mes talents à l’état d’herbes, mes espérances, mes manies, mes caprices vont devenir ridicules à dix-huit ans. Commencer la peinture à dix-huit ans, quand on a eu la prétention de tout faire avant et même mieux que les autres !
Il y en a qui trompent les autres, moi j’ai trompé moi-même.
Jeudi 30 août. — Je n’ai pas parlé, et ce soir à Wiesbaden nous avons appris que Chipka est aux Russes, que les Turcs sont battus (du moins dans le moment) et que de grands renforts nous arrivent.