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JOURNAL

lerie et mes portraits. Voilà tout. Mais, avec cela, n’importe quelle chambre d’auberge devient convenable. Ce que j’aime le plus, ce sont mes quatre gros dictionnaires rouges, mon Tite-Live gros vert, un tout petit Dante, un Lamartine moyen et mon portrait, de la grandeur cabinet, peint à l’huile et encadré dans du velours bleu foncé dans une boîte de cuir de Russie. Avec cela, mon bureau est élégant tout de suite, et les deux bougies, projetant leur lumière sur ces teintes chaudes et douces à l’œil, me raccommodent presque avec l’Allemagne.

Dina est si bonne… si gentille ! Je voudrais tant la voir heureuse…

En voilà un mot ! Quelle vilaine blague que la vie de certaines personnes !


Lundi 27 août. — J’ai ajouté une clause à ma prière de tous les soirs, cinq mots : Protégez nos armées ! mon Dieu !

Je dirais bien que je suis inquiète, mais dans des intérêts si grands, que suis-je pour dire quoi que ce soit ? Je déteste les compassions oisives. Je ne parlerais sur notre guerre que si j’y pouvais quelque chose. Je me borne à persister quand même à admirer notre famille impériale, nos grands-ducs et notre pauvre cher empereur.

On trouve que nous allons mal. Je voudrais bien voir les Prussiens dans ce pays sauvage, aride, rempli de traîtres et de ruses ! Ces excellents Prussiens marchaient dans un pays riche et fertile comme la France, où à chaque instant ils trouvaient des villes et des campagnes, où ils avaient à manger, à boire et à voler. Je voudrais les voir dans les Balkans !

Sans compter que nous nous battons, tandis qu’eux