Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/382

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n’est pas que j’aie la moindre envie de le maltraiter ; non vraiment ! Je suis trop vif, voilà tout. D’ailleurs, je ne suis point mauvais pour lui : je lui donne un picayune par-ci par-là. Vous voyez qu’il est bien vêtu. — Allez, tout compté, Dodo est un heureux garçon.

— Seriez-vous heureux, Henrique, s’il n’y avait pas une seule créature près de vous qui vous aimât ?

— Moi ! — non ; cela va sans dire.

— Et vous avez enlevé Dodo à tous les amis qu’il avait jamais eus ! Il ne voit plus maintenant une seule personne qui l’aime ; — comment pourrait-il être bon ?

— Eh bien, que voulez-vous que j’y fasse, cousine ? — Je ne puis acheter sa mère, pas plus que me mettre à l’aimer, moi, ou personne autre, que je sache.

— Pourquoi pas vous ? dit Éva.

— Moi, aimer Dodo ! Éva, y songez-vous ? Je peux le trouver gentil et le protéger, à la bonne heure. Mais vous, est-ce que vous aimez vos gens ?

— Oui, vraiment, dit Éva.

— Quelle drôle d’idée !

— La Bible ne nous dit-elle pas de nous aimer les uns les autres ?

— Oh, la Bible ! la Bible dit tant de choses ! mais personne ne s’en inquiète. — Vous le savez-bien, Éva. Qui est-ce qui songe à faire ce qu’il y a dans la Bible ? »

Éva demeura muette quelques minutes ; ses yeux restèrent fixes et rêveurs.

« Quoi qu’il en soit, dit-elle enfin, cher cousin, aimez le pauvre Dodo, et soyez bon avec lui pour l’amour de moi.

— J’aimerais qui que ce fût, quoi que ce soit, pour l’amour de vous, chère cousine ; et je pense, du fond de l’âme, que vous êtes bien la plus charmante, la plus gentille créature que j’aie jamais vue ! » Henrique parlait avec une ardeur qui empourpra son charmant visage. Éva accueillit ces paroles, sans qu’il se fit le moindre