Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’amour divin ; car un vieil oracle a écrit : « Celui qui habite dans l’amour habite en Dieu, et Dieu en lui. » Tom croyait, Tom espérait, et Tom était en paix.

Le jour des funérailles arriva, avec son cortège obligé de crêpes funèbres, de prières, de figures graves ; puis les vagues fangeuses de la vie quotidienne roulèrent comme auparavant ; puis vint l’éternelle question : Qu’y a-t-il à faire encore ? Marie se la posa, tandis qu’enveloppée d’un peignoir du matin, entourée de visages inquiets, elle examinait, du fond de sa bergère, des échantillons d’étoffes de deuil. Miss Ophélia se l’était posée aussi : elle songeait à regagner le Nord et la maison paternelle. Mais la question se dressait surtout, pleine de muettes terreurs, dans l’esprit des domestiques, qui ne connaissaient que trop la tyrannique insensibilité de leur maîtresse. Tous savaient que les douceurs dont ils avaient joui leur venaient du maître seul, et que maintenant qu’il n’était plus, rien ne les pourrait garantir des caprices despotiques d’un caractère que les revers aigrissaient encore. Environ une quinzaine après l’enterrement, miss Ophélia, occupée dans sa chambre, entendit frapper doucement à la porte. Elle ouvrit : c’était Rosa, la jolie femme de chambre quarteronne, les cheveux en désordre et les yeux gonflés de pleurs.

« Oh ! miss Phélie, dit-elle, tombant à genoux et saisissant le pan de la robe de miss Ophélia ; je vous en supplie, allez trouver maîtresse ! allez la prier pour moi ! elle veut m’envoyer là pour y être fouettée, — regardez. » Elle tendit un papier à miss Ophélia.

C’était l’écriture élégante et fine de Marie ; un ordre au maître d’une maison de châtiment de donner au porteur quinze coups de fouet.

« Qu’avez-vous donc fait ? demanda miss Ophélia.

— Vous savez, miss Phélie, j’ai un si mauvais caractère ! c’est bien mal à moi. J’essayais une robe à maîtresse Marie ; elle m’a frappé au visage, et j’ai parlé sans