Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/447

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y penser ; j’ai été insolente. Elle a dit qu’elle me réduirait, qu’elle m’apprendrait, une fois pour toutes, à ne plus faire la princesse comme par le passé. Elle a écrit ce billet, et m’a dit de le porter : mais j’aime mieux qu’elle me tue tout de suite. »

Miss Ophélia tenait le papier, et réfléchissait. « Voyez-vous, miss Phélie, poursuivit Rosa ce n’est pas tant la peur des coups ; — je les endurerais bien de votre main ou de celle de miss Marie ; — mais être envoyée à un homme ! à un si horrible homme ! — c’est à en mourir de honte ! »

Miss Ophélia savait que l’usage général était d’envoyer aux maisons de châtiment, pour y être brutalement exposées et soumises à de honteuses corrections, des pauvres femmes, des jeunes filles, livrées ainsi aux derniers des hommes, — à des hommes assez vils pour faire un tel métier. Elle l’avait su ; mais elle n’en comprit l’odieuse réalité qu’en voyant la délicate jeune fille se tordre d’angoisse à ses genoux. Tout le sang de la pudeur féminine, le libre et vigoureux sang de la Nouvelle-Angleterre, empourpra ses joues, et reflua vers son cœur indigné. Mais, avec sa prudence et son habituelle fermeté, elle se domina, et, froissant le papier dans sa main, elle dit simplement à Rosa :

« Asseyez-vous, enfant, tandis que j’irai parler à votre maîtresse.

« C’est odieux, barbare, infâme ! » se disait-elle en traversant le salon.

Elle trouva Marie assise dans sa bergère ; Mamie, debout derrière elle, lui démêlait les cheveux ; Jane, accroupie à terre, lui frottait les pieds.

« Comment vous portez-vous aujourd’hui ? » demanda miss Ophélia.

Marie poussa un profond soupir, ferma les yeux, et ne répondit pas. Enfin, au bout d’un moment, elle dit avec langueur : « En vérité, je n’en sais rien, cousine ; je suppose