Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/521

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oh ! que voulez-vous dire ?

— Rien ; je ne vous le dirai pas. J’en hais même la pensée ; mais je vous affirme que le Seigneur seul sait ce que nous pouvons voir demain, si ce pauvre garçon persiste comme il a commencé.

— Horreur ! » s’écria Emmeline, tout son sang abandonnant ses joues. « Ô Cassy, dites-moi, que ferai-je ?

— Ce que j’ai fait. Faites pour le mieux ; faites ce qu’on vous force à faire, et comblez la mesure en haine et en malédictions.

— Il a voulu me faire boire de son exécrable eau-de-vie, dit Emmeline ; je la déteste !

— Vous ferez mieux d’en boire, dit Cassy ; je la détestais aussi, moi ; maintenant, je ne saurais m’en passer. On a besoin de s’étourdir, et les choses apparaissent sous un jour moins affreux quand on a bu cela.

— Ma mère m’a défendu d’y jamais toucher.

Votre mère vous a défendu, dit Cassy, appuyant avec une emphase triste sur le mot mère. À quoi servent les défenses des mères ? Ne devez-vous pas toutes être vendues, payées ? et vos âmes n’appartiennent-elles pas à quiconque vous achète ? Ainsi va le monde. Je vous le répète : Buvez de l’eau-de-vie ; buvez tant que vous pourrez, cela rendra les choses plus faciles.

— Ô Cassy ! prenez pitié de moi !

— Pitié de vous ! n’ai-je pas pitié de vous ? n’avais-je pas une fille ? — Le Seigneur sait où elle est, et ce qu’elle est aujourd’hui ! Elle suit, je suppose, le chemin que sa mère a suivi avant elle, et que ses enfants suivront à leur tour ! Il n’y a pas de fin à cette malédiction éternelle !

— Je souhaiterais n’être jamais née, dit Emmeline en se tordant les mains.

— C’est un vieux souhait, dit Cassy ; je me suis lassés à le faire. Je me serais tuée, si je l’avais osé. »

Elle s’arrêta ; son regard, perdu dans l’obscurité de la