Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/526

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l’étais hier ? Ne saurais-tu régaler un pauvre pécheur d’un petit brin de sermon ? Tâche ! »

Tom ne répondit rien.

« Lève-toi, brute ! » s’écria Legris en lui donnant un second coup de pied. C’était chose difficile, brisé, affaibli comme l’était le pauvre Tom ; et pendant qu’il essayait d’obéir, Legris se mit à rire brutalement. « Qui te rend si peu alerte ce matin, Tom ? Tu as peut-être reçu un coup d’air cette nuit ? »

Tom était parvenu à se lever, et regardait son maître en face, avec un front impassible et serein.

« Ah ! diable, tu peux bouger ! dit Legris le considérant : je crois que tu n’en as pas encore assez. Maintenant, à genoux, Tom, et demande-moi pardon de tes grimaces d’hier soir. »

Tom ne bougea pas.

« À genoux, chien ! répéta Legris, en le frappant de sa cravache.

— Maître Legris, dit Tom, je ne le peux pas. Je n’ai fait que ce que je croyais être bien. Je recommencerais, juste de même, si l’occasion venait. Je ne ferai jamais une cruauté. Arrive ce qui pourra !

— Oui, mais tu ne sais pas ce qui peut arriver, maître Tom. Tu crois que ce que tu as reçu hier est quelque chose ? Eh bien, moi, je te dis que ce n’est rien, rien du tout. — Aimerais-tu à être lié à un arbre et brûlé à petit feu ? Ne serait-ce pas un agréable passe-temps ? — hein, Tom !

— Maître, répondit Tom, je sais que vous pouvez faire d’effroyables choses ! mais, — il se redressa et joignit les deux mains, — mais quand vous aurez tué le corps, vous ne pourrez plus rien, — rien ! Et après ! oh ! après ! viendra l’éternité, toute l’éternité! »

L’éternité ! — À ce mot, l’âme du pauvre noir tressaillit, inondée de lumière et de puissance ; — celle du pêcheur aussi tressaillit comme sous la morsure du scorpion.